Jean Epstein a collaboré plusieurs fois avec le studio Albatros dans les années vingt, notamment avec la star féminine du studio : Nathalie Lissenko sur "L'affiche" et donc "Le double amour".
Il s'est mis à son service, le film est centré sur elle.
Le début est assez plombant, obscure : l’histoire d’une cantatrice populaire admiré faisant partie d’une association (ou fondation dirait-on aujourd’hui) notamment par un type qui la fera chanter (le même acteur qui joue le producteur vicieux dans « Le Lion des Mogols » (Epstein, 1924).
Je me suis dis « Encore une histoire de riches et tout… », sauf que le film touche à un moment, un point très sensible : l’addiction au jeu, ce que je connais parfaitement.
La cantatrice a un compagnon qui joue tous les soirs dans le casino juxtaposé à la salle où elle donne ses concerts et y joue et dépense tout. On note qu'Epstein et sa sœur Marie qui ont écrits le scénario semblaient s’y connaître parfaitement puisque les termes techniques du jeu comme « martingale » y sont employés.
Oui, là, j’étais vraiment en terrain familier. Et à partir de ce moment là, le film ne me lâchera plus jusqu’à la fin de ses 106 minutes, qui décidément (« Le Lion des Mogols » fait la même durée) chez Jean Epstein, passent très vite.
"Le double amour" est une histoire familiale puisque le compagnon de la cantatrice a volé l’argent de l’association et la cantatrice, par amour, s’accuse du crime et voit sa réputation détruite. Lui, par ordre de son père, va s’exiler aux États-Unis, alors qu’elle est enceinte.
Le film fait une ellipse de vingt ans et voit les choses recommencer : le fiston a développé lui aussi une addiction au jeu…
Jean Epstein, habituellement s’amuse à expérimenter, sauf que là, dans à peine ou deux scènes, il ne joue pas avec la caméra, ni le montage, ni les surimpressions. Un film impersonnel : un véhicule clair pour Lissenko et parait-il, il s’est toute fois montré très appliqué sur le tournage, déposant et disposant par exemple lui même les objets du salon de la cantatrice !
Le film traite à la fois de façon très réaliste (et j’en sais quelque chose) de l’addiction au jeu et du complexe d’œdipe, ainsi, il est clair dans la deuxième partie que
la cantatrice est éprise de son fils.
Le titre : « Le double amour » fait référence aux deux amours de la cantatrice : son compagnon et son fils et aussi à l’amour de ces deux là, pour elle et pour le jeu.