"Le Doulos" est un film noir, de Jean-Pierre Melville, devenu une référence pour certains cinéastes. Le scénario est tiré d'un roman de Pierre Lesou (n°357 dans la collection Série Noire...).
En bref, un truand, récemment sorti de prison règle ses comptes. Mais il s'associe à un autre truand de mauvaise réputation, un probable indicateur de la police. Lentement mais sûrement s'enclenche alors un engrenage qui finira par broyer bien des truands.
On peut parler de tragédie tant le poids du destin pèse sur tous ces personnages. Un destin que personne ne maîtrise et qui se joue des amitiés et des trahisons. Un destin froid et inflexible qui n'oublie rien des mensonges des uns et des trahisons des autres.
Un flic est tué et tout l'équilibre police/indicateur est bouleversé. Les relations entre truands sont en principe basées sur "un" code de l'honneur dans lequel une certaine confiance peut s'exercer. Mais en fait ces mêmes relations sont biaisées par les intérêts personnels ou encore par les pressions des uns sur les autres.
De non-dits en faux-semblants, de fausses pistes en mensonges, les truands avancent dans un épais brouillard croyant comprendre mais réalisent que la vérité est fugace. La vérité sur un évènement ne dépend que de la façon dont l'évènement est présenté. Il n'y a guère que le spectateur qui est capable de discerner qui dit la vérité et qui ment puisqu'il lui est donné de voir.
La mise en scène est parfaite et s'appuie beaucoup sur les décors (glauques ou somptueux), la nuit (profonde), les ombres (inquiétantes et noires) et les bruits (banals) générant parfois de l'ambiguïté dans la compréhension ; avec tous ces éléments, Melville crée une tension et un suspense captivants.
On peut mesurer la réussite de Silien (Belmondo) et Nuteschio (Piccoli) à la taille des superbes et vastes bagnoles américaines que Melville, en vieil amateur de cinéma américain, se plait à montrer.
Reste à parler du casting
D'abord Jean Paul Belmondo, très crédible, dans le personnage de Silien, indicateur ambigu, manipulateur patenté, (trop) sûr de sa bonne étoile, capable de douceur et d'amitié mais aussi de férocité sans bornes. Le destin saura le rappeler à son souvenir.
Et puis Serge Reggiani, dans le rôle de Fauget, émouvant, en truand à l'ancienne, aigri, désabusé, manipulé. Tout est dit dans dans sa longue marche solitaire au début du film. C'est le portrait d'un loser qui aura du mal à remonter la pente par la suite.
Sans oublier Jean Dessailly dans un superbe rôle de commissaire dans un numéro très réussi de "chansonnette" sur Jean-Paul Belmondo pour tenter de le récupérer comme indic.
J'aime bien aussi le rôle de Michel Piccoli en placide mais circonspect truand -patron de night-club. Prudent mais mutique, il ne verra pas le mauvais coup lui arriver.
"Le Doulos" est un film dont on se souvient longtemps. Comme très souvent, chez Melville.