La précision gestuelle et le minimalisme humain caractérisent une fois encore cette intrigue policière très stylisée de Melville. Sans doute cette démarche s'exerce-t-elle parfois vainement à l'occasion de longues séquences où le suspense et les dialogues ne sont pas véritablement passionnants ; même si, assurément, en d'autres moments, le cinéaste sait donner une intensité surprenante aux scènes les plus classiques, comme en témoigne le dénouement, théâtral
et tragique.
Le sujet du "Doulos" (un indic dans le jargon des truands) est marqué par une constante équivoque, laquelle, entretenue par une mise en scène elliptique, n'est éclaircie que dans les derniers instants du film. Elle porte sur le comportement énigmatique de Silien (JP.Belmondo), dont on ne sait trop quel homme et quel gangster il est tant son inexpression, son masque, le rapprochent ou annoncent le Delon du "Samouraï".
Mais, plus encore, c'est son apparente duplicité qui crée l'équivoque; indicateur de police ou pas, le doulos devient, sous le regard de Melville, non pas seulement une figure incontournable du polar, mais un personnage de pure tragédie par lequel Melville aborde le thème classique de l'honneur dans la pègre.