Avril 2001. Tandis que le printemps voit la nature secouer le linceul hivernal et les nuages laiteux dessiner de jolies arabesques dans l'azur, Jean-Pierre Jeunet offre à nos yeux écarquillés le récit d'une jeune femme qui contemple la vie par le prisme onirique de l'imaginaire.
C'est alors qu'emporté par le talent de comédiens époustouflants, Audrey, Matthieu, Dominique ou encore Isabelle, le spectateur sent l'émotion lui éteindre le cœur comme un épicier simple poète écouterait le doux murmure d'une endive alanguie.

Le tableau brossé par ce talentueux réalisateur impressionne par sa maîtrise de petits instantanés quotidiens esquissés au pinceau. Tels des ricochets sur l'eau d'un canal, des personnages récurrents refont surface dans le monde à part de Jeunet et qui n'a pas la mémoire d'un poisson rouge se souviendra de Dominique Pinon, Rufus ou Ticky Olgado, véritable "gueules" qui habitent de truculents individus.


Une mosaïque de scènes ciselées se déroulent, pétries de jubilation sauvage et se nouent pour constituer une histoire d'amour entre deux rêveurs ballottés par les soubresauts intenses de la vie. Ces scènes, nous spectateurs, comme des photos matons. A l'instar d'un lettre perdue qui fait rejaillir des souvenirs enfouis, une douce nostalgie étreint le cœur lorsque des petits bonheurs éclairent le quotidien d'anonymes. Le rire surgit aussi souvent à l'évocation d'un grognon "tête à gnons" qui, mauvaise pâte, s'étouffe de crème de pieds qui lui en bouche un coin, tandis que le sel de la situation est recraché d'un souffle. Dans ce jardin du bonheur, c'est le périple géant d'un nain voyageur qui trouble les sens d'un père distant. Dans ce bar des habitués, c'est le fou rire assuré lorsque les verres vibrent à l'unisson des amants. Dans cet immeuble, c'est par la transparence du verre qui fragilise les os mais lit les cœurs que le tableau de sa vie sera révélé à Amélie. Dans ce photomaton, c'est la clé de l'énigme qui s'offre au spectateur, bien loin des clichés habituels. Dans cette chambre, c'est l'amour qui se concrétise tendrement, comme un baiser léger posé délicatement sur la nuque dans un souffle d'air tiède.


Au son d'instruments envoûtants, blanches et noires de pianos chaleureux, touches nostalgiques d'accordéon, douces cordes de violons, clochettes tintinnabulantes, cuivres ronflants de vibrations positives, c'est tout un monde musical qui se constitue autour des images et subliment celles-ci dans un tourbillon chatoyant d'émotions contradictoires.


Dans ce Montmartre rêvé, c'est Jean-Pierre Jeunet qui emporte le spectateur dans une vie imaginaire faite de mille et un clins d’œil. Elle parle à qui veut ouvrir son cœur pour lui permettre de recevoir tout le bonheur que le réalisateur peut y déverser. Ce film est un baume contre les bleus de l'âme.


Et vous, êtes-vous prêts à sauter la barrière pour embrasser la vie ?

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le 22 nov. 2014

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