J'assume
Amélie Poulain, je défends sans honte. Comme Unfinished Sympathy de Massive Attack, ce film a le don de me mettre dans une petite bulle. Quand j'en ressors, je peux découvrir une cure contre le...
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le 26 oct. 2010
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Le film "Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet est une délicieuse pâtisserie, une fantaisie légère dans laquelle une charmante héroïne surmonte une enfance triste et grandit pour apporter de la joie à ceux qui en ont besoin et à elle-même. On le voit, et plus tard, quand on y pense, on sourit. Audrey Tautou, une jeune fille au visage frais qui semble connaître un secret et ne pas pouvoir le garder, joue le rôle-titre, celui d'une petite fille qui grandit en ayant besoin d'affection. Son père, un médecin, ne lui donne ni câlins ni baisers et ne la touche que lors des contrôles, ce qui fait battre son cœur si vite qu'il la croit malade. Sa mère meurt à la suite d'un saut suicide réussi depuis les tours de Notre-Dame, une déclaration qui révèle moins l'intrigue qu'on ne le pense.
Amélie grandit seule et solitaire, serveuse dans un bistrot du coin, jusqu'au jour où la mort de la princesse Diana change tout. En effet, sous le choc de la nouvelle, Amélie fait tomber un bouchon de bouteille, ce qui détache une pierre dans le mur de son appartement, ce qui l'amène à découvrir une vieille boîte rouillée dans laquelle un garçon d'autrefois a amassé ses trésors. Et en retrouvant l'homme qui était ce garçon, et en lui rendant sa boîte, Amélie trouve le travail de sa vie : Elle va rendre les gens heureux. Mais pas de n'importe quelle façon. Alors, elle va s'amuser (et nous amuser) en imaginant les stratagèmes les plus extraordinaires pour les rendre heureux.
Le movie s'est fait connaître à l'international après le Festival de Cannes, où le fait qu'il n'ait pas été retenu dans la sélection officielle a fait scandale. "Pas sérieux", ont reniflé les autorités très sérieuses qui décident de ces questions. Le film est passé dans les salles commerciales des petites rues, où le public a vibré de plaisir. Il a ensuite remporté les prix du public aux festivals du film d'Édimbourg, de Toronto et de Chicago, et je note sur l'Internet Movie Database qu'il est actuellement élu 54e meilleur film de tous les temps.
Je sais ce que ce votre reflète: La satisfaction immédiate d'un film qui n'est que bonté et gaieté, insolent, lumineux et fantaisiste, filmé avec une virtuosité éblouissante, et dont l'action se déroule à Paris, la ville que nous aimons quand il fait chaud et quand il bruine. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un Paris moderne et réaliste, et certaines critiques l'ont également dénoncé : Il est propre, ordonné, sûr, coloré, n'a pas de problèmes sociaux et est entièrement peuplé de citoyens qui ressemblent à des figurants de "An American in Paris.". C'est le même Paris qui a produit Gigi et l'inspecteur Clouseau. Il n'a jamais existé, mais ce n'est pas grave.
Après avoir découvert la boîte et apporté le bonheur à son propriétaire, Amélie improvise d'autres actes de bonté : peindre des mots-images d'une rue animée pour un aveugle, par exemple, et faire semblant de trouver des lettres d'amour perdues depuis longtemps adressées à sa concierge par son défunt mari, qui ne lui a probablement jamais envoyé le moindre billet de loterie. Elle rencontre ensuite Nino (le réalisateur Mathieu Kassovitz), qui travaille indifféremment dans un magasin de pornographie et ne s'intéresse qu'à son passe-temps, qui consiste à récupérer les photos dont les gens ne veulent pas dans ces cabines photo automatiques et à les transformer en collages d'expressions faciales ratées.
Amélie aime tellement Nino qu'un jour, lorsqu'elle le voit dans son café, elle se dissout. Littéralement. Dans une flaque d'eau. Elle veut Nino, mais une bizarrerie de lutin l'empêche d'aller droit au but et le succès n'a rien de réjouissant pour elle s'il n'est pas le fruit d'un heureux hasard. Il doit y avoir des moments où Nino se demande s'il est béni ou harcelé.
Jean-Pierre Jeunet s'est spécialisé dans les films d'une étonnante invention visuelle mais, hélas, aux récits impénétrables ("Delicatessen", "La Cité des enfants perdus"). Il a travaillé pour Hollywood en tant que réalisateur de "Alien : Resurrection" (1997), le plaçant, selon moi "dans ce qui ressemble à un grand hangar vide rempli de pièces d'entrepôt en acier préfabriquées." Avec "Amélie Poulain", il s'est libéré de son obsession pour la rouille et le désordre, et a réalisé un film si rempli de lumière et d'air qu'on a l'impression qu'il a fait une cure. Le film est rempli de plans individuels et d'idées géniales. L'un des meilleurs est celui où Amélie, debout sur la terrasse de Montmartre, se demande combien de personnes à Paris sont en train d'avoir un orgasme à cet instant précis, et nous les voyons, 15 en tout, dans un rapide montage de bonheur hilarant. C'est cette séquence innocente, ainsi qu'une scène d'accouchement tout aussi inoffensive, qui a amené la MPAA à attribuer au film un classement R immérité (en Norvège, il a été approuvé pour les plus de 11 ans).
Il est si difficile de réaliser une comédie agile et charmante. Si difficile de trouver le bon ton et de trouver des acteurs qui incarnent le charme au lieu de l'imiter. Il faut tellement de confiance pour danser sur la corde raide de la fantaisie. "Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" prend ces risques, et s'en sort.
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Créée
le 9 mai 2021
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