Risi invite souvent son spectateur à un voyage. Le fanfaron est par essence d'abord un road-movie, une invitation à découvrir la banlieue et la campagne romaine, les bords de mer investis par les romains sous le soleil de la mi-août. L'Italie se découvre une folle envie de vivre ardemment après la guerre, surtout la jeune génération. Les scénaristes Scola, Maccari et Risi vont utiliser une sorte de couple aux allures clownesques, l'un servant de miroir à l'autre, en contraste physique autant que philosophique, sorte d'anti paire clown blanc et auguste (ici c'est l'auguste qui décide).

Gassman est un faux adulte, celui qui n'a jamais cessé d'être un adolescent. Son exubérance et son inconséquence le font passer à toute vitesse dans la vie des autres, ses compagnes, sa fille et son dernier ami en date, un Trintignant, jeune mais emprunté, sévère étudiant en droit, à l'avenir tout tracé, en gris terne et morne. La rencontre est explosive. Progressivement l'influence du fanfaron va libérer Trintignant de ses inhibitions bourgeoises, l'agaillardir jusqu'au climax qui relativise violemment les choses.

Reste que le film est donc le portrait étonnament touchant du monsieur Sans-Gêne. Gassman se déguise en un sorte de personnage très italien, très proche de la Commedia dell'Arte, proche d'Arlequin, bouffon libre et joyeux, gouailleur, nous montrant qu'au fond des attaches matérialistes les plus ordinaires jusqu'aux aspirations existentialistes les plus profondes, l'être humain est infiniment seul, qu'il soit entouré des siens ou d'inconnus d'un soir.

Le ton résolument frais et souriant du film, volontiers moqueur, plutôt snobinard cache mal une intense tendresse de la part des scénaristes pour cette Italie estivale. Comme toujours Risi place encore ses personnages dans des cadres, des plans où l'environnement est respectueusement dépeint, mis en valeur. C'est presque une mise en scène théâtral. Il est manifeste qu'il accorde une importance première aux paysages dans lesquels se meuvent ses personnages. C'est alors un magnifique voyage auquel il nous invite. Il imprègne presque ses personnages des lieux, des espaces dans lesquels ils se trouvent. C'est une drôle de sensation... oui, voilà, la relation entre personnages et paysages est d'une sensualité étonnante, tout en contribuant au réalisme de l'histoire. Les paysages jouent un rôle à part entière finalement. On a la même personnification du décor dans Parfum de femme. Dieu que j'aime Risi! Diable que j'aime Gassman!
Alligator
9
Écrit par

Créée

le 1 mars 2013

Critique lue 760 fois

13 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 760 fois

13
1

D'autres avis sur Le Fanfaron

Le Fanfaron
Grard-Rocher
8

Critique de Le Fanfaron par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Roberto est un étudiant quelque peu studieux, timide et introverti. Il vit seul dans un appartement situé dans une rue calme de Rome. Alors qu'il étudie, un homme vient lui demander avec un certain...

57 j'aime

19

Le Fanfaron
Ochazuke
10

Critique de Le Fanfaron par Ochazuke

A Rome, un 15 août, Roberto Mariani, étudiant (joué par Trintignant) préparant ses examens de droit va être interpellé par sa fenêtre par un homme Bruno Cortona qui tourne en rond, cherchant un...

le 21 nov. 2011

40 j'aime

2

Le Fanfaron
Theloma
9

A tutta velocità

En 1962, Dino Risi fait appel à Vittorio Gassman, alors au sommet de son art, pour incarner le Fanfaron, un homme à femmes et à voitures. Le réalisateur lui choisit comme compagnon d’échappée un...

le 7 juil. 2019

30 j'aime

11

Du même critique

Cuisine et Dépendances
Alligator
9

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

le 22 juin 2015

55 j'aime

3

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16