Fantôme obsessionnel, Veronika Harlan tourne dans l'esprit d'un Lorenz Lubota complètement asservi par cette figure si lointaine mais si percutante, un véritable esprit frappeur.


Homme errant souhaitant château en Espagne, Lorenz tourne dans l'esprit de Phantom, influençant la réalisation théâtrale du métrage par ses diverses rêveries. Toute l'extravagance de la réalisation passe par ce personnage rêveur à qui plus la situation se complique, plus les séquences irréelles s’enchaînent. Après sa vive entrevue avec sa tante, la pellicule prend une teinte turquoise presque fantomatique et laisse place à un Lorenz seul dans la rue. Acculé, un bâtiment se penche sur lui, l'homme tente alors de s'enfuir mais l'ombre de l'édifice le poursuit dans une imagerie qui n'est sans rappeler l’expressionnisme allemand. L'homme à l'imagination débordante voit ses cauchemars prendre vie.
Lorenz est une personne vivant au travers de ses lectures, la littérature étant un moyen pour lui de vivre des vies qu'il ne vivra jamais. Ou presque. En effet, la construction du métrage se base sur un immense flashback tenu par les deux bouts par Lorenz écrivant le récit de ses mésaventures. Finalement, l'homme aura vécu la vie rocambolesque dont il avait rêvé. Cette vie agitée sera dû principalement à son propre tempérament. Tête en l'air – et influencé par l'avis élogieux du père de Marie Starke – il pensera aspirer à une carrière de poète, chose écartée par les professionnels de la profession. Le nœud du problème est que même en sachant que ses poèmes ne valent rien, il continue à vivre une vie faste d'artiste à succès, faisant ainsi du tort à sa mère, à sa tante et surtout à lui-même. Lorenz n'est pourtant pas un mauvais garçon et aurait pu s'en sortir. Néanmoins, Veronika Harlan, cette femme blonde qui le percuta avec sa calèche, l'obsédera jusqu'à le mener à sa perte. Ce coup de foudre soudain ne mènera absolument à rien, cependant, au détour d'un restaurant chic, il trouvera une femme ressemblant trait pour trait à celle dont il est tombé amoureux. Il s'éprendra alors d'elle dans une sorte de Vertigo avant l'heure. Cette « copie » de cet objet du désir, s’avérera loin d’être exempt de tout défaut. Complètement à sa botte, Lorenz se fera plumer. La séquence où les deux passeront la journée ensemble marquera la perte de l'homme et aussi l'apogée d'inventivité du métrage. Par son visionnage nous y voyons symboliquement tous les tenants et aboutissants de l'intrigue. Dans un premier temps, les deux amants sont dans un magasin, Lorenz est assis au milieu de nombreux miroirs où se reflètent la figure de la femme soulignant ainsi l'obsession de l'homme envers elle. Ensuite, les deux mangent sur une table qui ne cesse de descendre, montrant que cette relation plonge peu à peu Lorenz dans les abîmes. Enfin, la séquence se conclut par une danse avec une caméra subjective de l'homme, marquant ainsi l'instabilité du personnage et le cercle vicieux dans lequel il est. A l'image du rêve récurrent en surimpression de lui poursuivant la calèche de la femme blonde, il ne l'atteindra jamais, la femme restant inaccessible, tournant pourtant incessamment autour de lui tel un fantôme.
Malgré tout, tout finira bien pour Lorenz, Poursuivant la fin moralisatrice de son précédent film (La Terre qui flambe), Murnau montre un homme qui, après avoir fait pénitence, va auprès de la femme pure l'ayant attendu depuis le début. Par ce dénouement, le réalisateur insiste sur les bienfaits de la vie simple au détriments des malheurs de la vie tachés de rêve de gloire.


Phantom est le film d'un seul homme, celui de Lorenz Lubota. Ceci forme un gros avantage, permettant des expérience dans la réalisation, formant une continuité avec Nosferatu, mais cela forme aussi un immense désavantage. Dés que nous nous éloignons de lui, il y a une forte perte d’intérêt. La sous intrigue avec la maladie de la mère est rapidement expédiée, sans parler du rôle du frère totalement anecdotique. La fin moralisatrice n'est pourtant pas aussi mal amené que le précédent long métrage, cependant, elle conclut faiblement le développement des autres personnages.

Flave
6
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le 24 févr. 2022

Critique lue 65 fois

Flave

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