On ne vantera bien sûr pas l'intelligence de Christine.
Précisons de suite que les conditions pour apprécier le visionnage étaient toutes là : pas de film depuis une quinzaine de jours + aucune connaissance préalable sur l'oeuvre + un accompagnement piano tout bonnement génial + une fatigue me rendant particulièrement bon public.
Je reste néanmoins persuadée que ce film avait plus que la chance du bon contexte.
Ce film est impressionnant de par sa capacité à vous faire entrer assez vite dans son ambiance, par la première scène, introduisant le pesant mystère de cet opéra hanté. L'ombre du fantôme courant sur les murs, la silhouette aperçue, la légende effrayante, le chat noir et le troisième dessous.
Commence alors le déchirement du spectateur, entre une envie dévorante de découvrir le visage de l'insaisissable, et son côté mystérieux érudit voulant juste la plus belle des Marguerite pour un Faust, connaissant tous les mécanismes incroyable d'un lieu déjà fascinant, et le malaise face à ce que l'on aurait pu vouloir comme bon qui se révèle, finalement, meurtrier sans coeur.
Sans coeur ? Sans coeur parce que si personne n'est là pour l'aimer, le coeur pourrit.
Ah, Christine. Ah, quelle jolie salope tu es. Prête à aimer ton maître, celui qui t'a rendue Marguerite, tu te retournes face à sa laideur. Et pourtant on ne t'en voudra pas.
Si je ne savais pas où je mettais les pieds, je fus surprise par la dureté d'un film qui me mettais déjà mal à l'aise (je pensais qu'en 1925 on était très soft), où le rejet absolu n'est pas un problème, où la scène finale est très rapide, où personne ne semble avoir de pitié pour celui qui est pourtant la première victime. Qui est le premier acteur de meurtre de sang froid. Mais que l'on plaint. Mais quand même il a tué des gens. Mais bon. Le pauvre, il voulait juste de l'amour, a préparé une chambre de princesse à Christine. Oui, mais qu'il y avait-il de plus gênant que de voir son nom gravé sur le miroir d'un habitat où elle n'avait jamais posé le pied ?
Est-il vraiment utile de souligner que l'Opéra, c'est magnifique ? Que les costumes sont impressionnants (ainsi que le maquillage du visage du fantôme qui laisse à l'acteur toute l'aisance nécessaire aux expressions) et que la scène du bal, colorisée, est superbe ?
Sans parler de la cape rouge volant au vent au dessus des toits Parisiens.
Film d'horreur, bien, mais aussi film policier, et l'on a plaisir a voir se débattre dans des pièges incroyables les dandys en frac. Quelques accents comiques agréables, des personnages caricaturaux, des scènes magnifiquement "aujourd'hui si tu mets ça dans un film tu passes pour un con", le délice de l'étrange et d'un fantôme on n'aurait pu rêver mieux joué.