Bonjour, je suis Wes Anderson, et mon second film est déjà un chef d'oeuvre.
Hum.
Je n'ai jamais critiqué un film de Wes Anderson, sûrement par peur de ne pas réussir à exprimer au mieux mon admiration.
Wes Anderson, c'est un peu le type qui a les clefs de l'esthétique parfait, du bon goût ultime.
C'est un peu le type qui nous présente des personnages à la fois totalement loufoques, mais aussi d'une sensibilité incroyable, tout en les rendant assez proches de nous. Pour qu'on puisse s'y identifier, les admirer, les plaindre, peu importe.
Voici donc Rushmore.
J'aime faire les choses à l'envers : second film, et celui que je visionne en avant dernier.
Je me suis donc permis une préparation psychologique : "Il a réalisé ce film à ses débuts, il ne sera peut-être pas au même niveau que ceux que j'ai déjà vu. Et je ne veux pas être déçue."
Erreur, justement. Erreur monumentale. Comment ai-je pu ainsi douter ?
Rushmore contient déjà tout ce qui fait un film d'Anderson. Tout ce que j'aime.
Rushmore vous procure cette étrange sensation : sourire tout en ayant les larmes aux yeux.
Rushmore réunit déjà le quatuor gagnant Anderson/Wilson/Schwartzman/Murray.
Voilà donc Max Fisher, 15 ans, lycéen.
Et voici donc Max Fisher, la même année, le même physique, un plan différent, qui parait 30 ans.
Et voici maintenant Max Fisher, toujours la même année, toujours le même physique, encore un autre plan, et voilà qu'il n'a pas l'air d'être collégien.
Wes Anderson a cette capacité à changer notre vision d'un personnage. C'est incroyable.
Quand Max supervise la construction d'un aquarium, quand il tombe pendant la confrontation avec Miss Cross, et voilà deux personnes différentes.
Anderson, celui qui donne à Bill Murray un (autre) rôle qui lui va à merveille. Un rôle dans lequel il peut faire ses regards pleins de désespoir en buvant du whisky. Celui qui utilise encore les ralentis sans tomber dans un cliché affreux (scène du Chewing Gum bonjour.). Celui m'a fait rire en regardant une pièce de théâtre sur la guerre du Vietnam, et qui, sans me laisser le temps de reprendre mon souffle, m'a fait pleurer en me montrant simplement une femme qui enlève les lunettes d'un lycéen.
Celui qui a fait porter à son personnage principal un costume vert en velours.
Celui qui, au moment où n'importe quel autre réalisateur nous aurait fait entendre un Rock endiablé, s'est contenté d'une de ces musiques parfaites, simples, belles. Une de ces musiques, qui, peu importe où on l'entend, nous fera dire qu'elle est parfaite pour un film de Wes Anderson. (Je parle bien-sûr de la scène finale, et du petit geste au DJ).
Bref, voici là un petit bijou de poésie, un de ceux dont seul Anderson a le secret.