Le Fantôme de la liberté est un petit chef d'oeuvre du cinéma surréaliste et paradoxal réalisé par Luis Buñuel, coécrit par Jean-Claude Carrière dont le titre est tiré de la première phrase du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels : « Un fantôme parcourt l'Europe »... Le film ouvre son générique sur le tableau de Francisco de Goya, Le 3 mai 1808, symbole de l'insurrection du peuple espagnol face aux troupes napoléoniennes sur lequel est inscrit en surimpression : « L'action de ce film commence à Tolède, en 1808, pendant l'occupation de la ville par les troupes napoléoniennes ».... Ce qui agit comme une matrice originelle pour l'ensemble de l'œuvre... qui met en scéne divers personnages face a des situations plus ou moins incongrues... ou on trouve des acteurs comme Bernard Verley qui joue le capitaine des dragons (scène d'ouverture)... Jean-Claude Brialy et Monica Vitti qui jouent M et Mme Foucault (un couple dont la fille a reçu des cartes postales d'un inconnu qui représente des monuments célèbres, dont notamment le Sacré-Cœur de Paris... considéré par le couple comme le plus obscène... cette scéne donne le ton de tout le film...)... Ainsi que Milena Vukotic, Paul Frankeur, Michael Lonsdale, François Maistre, Jean Rochefort, Pascale Audret, Adriana Asti (le fantôme de la dame en noir), Julien Bertheau, Michel Piccoli, Claude Piéplu, Adolfo Celi, Pierre Maguelon, Maxence Mailfort, Marie-France Pisier, Orane Demazis, Ellen Bahl, Muni, Jacques Debary, Guy Montagné, Marcel Pérès, Paul Le Person, Bernard Musson dans divers roles dont je ne citera pas pour vous en faire la surprise... Ce film s'inscrit dans le mouvement surréaliste. Il est basé sur un procédé qui consiste à suivre l'histoire d'un personnage, puis celle d'un autre après que les deux se sont rencontrés et ainsi de suite. Un parallèle est faisable entre cette construction et la réalisation d'un cadavre exquis, forme inventée par les surréalistes. Ce parallèle doit être cependant nuancé par les propos de Buñuel lui-même : "Un même récit qui passe par des personnages différents et qui se relayent. J'avais déjà entrevu cela dans l'Âge d'or, où nous commencions par des scorpions, nous poursuivions par les bandits, la fondation de la ville, puis les amants et la fête dans le salon, et nous terminions avec les personnages des 120 jours de Sodome. La différence est que dans le fantôme de la liberté, les épisodes sont plus liés, ils se heurtent moins : ils coulent naturellement. Le fantôme de la Liberté ne fait qu'imiter le hasard il a été écrit en état de conscience ; ce n'est pas un rêve ni un flot délirant d'images."
Lors de la scène de la fusillade en ouverture un homme crie : « À bas la liberté ».
Se retrouve ainsi remis en cause la signification que l'on s'apprêtait à donner au titre du film : celui qui veut imposer les valeurs de la liberté, incarnée par la révolution française et son continuateur Bonaparte, ne propose que le fantôme de cette liberté. Le cri peu orthodoxe du fusillé subvertit cette interprétation ou nous pousse à la porter plus loin : si Napoléon se veut le représentant de la liberté alors le "À bas la liberté" est assez logique. Cette trouvaille est probablement une partie du jeu auquel se livre Buñuel qui n'a de cesse, tout au long du film, de travailler la forme langagière ou picturale pour sans cesse révéler de nouveau possibles. Les possibles prolifèrent, il suffit d'ouvrir des portes, jeu auquel se livreront les prêtres dans l'auberge. Pour en rester au titre du film, Buñuel donne une explication beaucoup plus simple dans les entretiens de 1975 et 1979 réalisés par Thomas Péres Turrent et José de la Colina, de son origine: « D'une collaboration entre Marx et moi. La première ligne du manifeste du parti communiste dit : "Un fantôme parcourt l'Europe…", etc. Pour ma part, je vois la liberté comme un fantôme que nous essayons d'attraper et…nous étreignons une forme brumeuse qui ne nous laisse qu'un peu d'humidité dans les mains. Dans mon film, le titre a surgi de façon irrationnelle, comme celui d'Un chien andalou, et pourtant, je pense qu'aucun titre n'est plus adéquat, dans un cas comme dans l'autre, à l'esprit du film ».
Enfin bref, une suite de sketches plus ou moins étonnants farfelus qui montre le ridicule de la bourgeoisie, des institutions ou triomphe l'étroitesse d'esprit d'une certaine église, de la police ou de l'armée... ou les fantasmes d'un visionnaire surréaliste qui refuse la logique des choses.