Si la neurasthénie vous guette, "Le Feu Follet" pourrait bien vous coucher quelques heures, les Gnossiennes en repeat, volets clos. L'authentique film d’horreur : on peut échapper à Jason, Freddy et consorts ; pas à soi-même.
Plus rien n’intéresse ni ne stimule Alain… Construire une œuvre ? Une excuse pour ne pas se suicider. Entretenir ses amitiés ? Guédra ? D’autres excuses pour passer le temps, et ne pas se suicider. Sauver son mariage ? Etc. Tout est là qui le ramène vers l’accomplissement du seul Acte qu’il lui semble honorable – et possible – d’accomplir. Le mur au bout du tunnel.
Tout de même, pour s’en convaincre une dernière fois, et un peu par maladresse aussi, l’ancien mondain retrouve ses anciens amis, ses conquêtes d’antan, quelques personnes dans l'ère du temps. Le désabus et le silence poli de gentil garçon qu’il leur propose sont très beaux, jusqu’à la cuite finale, où le vieillissant jeune homme s’expose, avant de s’enfuir en compagnie d’un éphèbe à peine sorti de l’adolescence et lui ressemblant très fortement. Alain prodigue 2-3 conseils, en guise de paraphe.
L’histoire contient peu d’indications temporelles, comme souvent chez Drieu ; l’Algérie, les guerres…
Cependant, l’apparat de la chambre de notre ami et le lieu du diner final pourraient aussi bien figurer dans les vieux manoirs décatis de Barbey d’Aurevilly. Générations perdues…
Les gens sont toujours les mêmes, l’actualité n’est que redondances : quelques guerres, quelques drames, quelques célébrités en vogue, quelques artistes camés vautrés dans des sofas… Le père La Rochelle et Malle les utilisent avec dédain. L’époque est là, c’est le temps qui passe, mais elle est nulle alors on s’en fout.
Cette humilité est appréciable (et c’est peut-être la seule) : Drieu ne croit pas au parangon du progrès.
Dans ce jeu avec la mort, l’amour bousille avec autant de violence que l’indifférence. Les enfantillages tuent aussi certainement que la vieillesse.