Si c'est la fin des mondes
Si la France a choisi putain j’ai mal au cœur Quand sont les travailleurs devenus les parias Quand l’humain ne sait plus ni pour qui ni pourquoi Quand le siècle perdu n’offre que les combats...
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le 22 oct. 2020
Si la France a choisi putain j’ai mal au cœur Quand sont les
travailleurs devenus les parias Quand l’humain ne sait plus ni pour
qui ni pourquoi Quand le siècle perdu n’offre que les combats Puis
quand la bête humaine parle de Dieu je crois Dis merci à ton maître
plie toujours l’échine Au culte du paraître à la mort des usines A ces
préfabriqués qui brûlent les collines De l’espoir qui s’éteint du
populaire qui chine Suicide humanitaire suicide humanité
Sur les trottoirs toujours les peuples d’échoués Et nos gueules de
sans dent et nos gueules d’épilés Du cerveau des bestiaux c’est la loi
des marchés
Ces paroles, extraites du titre manifeste Camarade Président composé et interprété par Saez, illustrent malheureusement trop bien l’état consternant dans lequel évoluent les salariés de l’aciérie Ascoval. Située à côté de Valenciennes l’usine qui, tel un alchimiste, change la ferraille en aciers spéciaux de haute qualité, a été pendant plusieurs mois le terrain d’immersion du documentariste Éric Guéret (Les enfants du parti, La mort est dans le pré, Les insoumises).
Ils portent des uniformes orange flashy ou métallisées, des lunettes et casques de sécurité, souvent surmontés d’un même sticker « Je suis aciérie », ce sont les centaines de travailleurs qui traversent une longue période de crise, et qui pourtant continuent de se battre contre la délocalisation de leur usine. Pour éviter un plan social, ou pire la fermeture, il leur faut à tout prix trouver un repreneur, et la deadline d’un an est un tourment supplémentaire. Tous les moyens sont donc bons pour garder la tête haute et pérenniser leur travail, comme l’explique justement l’un des employés.
« On n’a pas le droit de fléchir. Notre métier est noble. Ok on est sales, mais on n’est pas des bourrins. Il y a une part d’intellect dans ce que l’on fait. On a tous des postes à responsabilités, ça nous valorise. »
Les hommes dans la machine
Ascoval compte principalement des hommes parmi ses employés, tant les ouvriers, que les responsables syndicaux, ou encore le directeur de l’usine, Cédric Orban. Quelques femmes sont toutefois bien présentes, et partagent également le même sentiment d’impuissance, de crainte et de trahison, initiée par les cols blancs de l’État, mais nous y reviendrons.
Malgré la fatigue qui s’accumule de jour en jour et creuse leurs traits, ces héros du « feu sacré » font preuve d’une solidarité hors pair pour pérenniser leur statut, et ne pas sacrifier leur expérience, acquise de longue date, au profit d’un système qui tente de les passer sous silence. Alors que l’étau se resserre autour d’eux, ils ont a cœur de rentabiliser l’aciérie en changeant par exemple le cycle de fusion du four. Grâce à leurs nombreux efforts, la production n’a jamais été si concluante, et pourtant, les dangers de la globalisation continuent de planer au dessus de ce secteur en zone sinistrée.
Immersion dans la gueule du dragon
Dans les vestiaires, les bureaux, et tout près du four de l’aciérie au bruit assourdissant, la caméra d’Éric Guéret va à la rencontre de chacun des employés. Il les filme à la tâche, – le visage noir et transpirant au contact des flammes et des poches d’acier liquide chauffées à 1700 degrés – et pendant des cellules de crise, le visage défait, ou avec encore une lueur d’espoir dans les yeux pendant le discours d’un représentant syndical et du dirigeant de la société. L’ambiance est chaleureuse à leur contact, parfois plus explosive. L’annonce d’une potentielle reprise les fait exploser de joie, puis les grise et les plombe plus tard, quand ils comprennent que c’était du vent et qu’il faut continuer de lutter.
Sortie de l’usine
Entre deux portraits de salariés au sein de l’usine, Éric Guéret tisse soigneusement leurs réactions face aux conséquences en domino des prises de décision qui les touchent de plein fouet. Si le directeur se tient du côté des aciéristes, on ne peut en dire autant des potentiels racheteurs et du double jeu auquel participe l’État sous Macron, premier actionnaire de Vallourec, le créateur de cette usine. En effet, si le gouvernement a convenu tardivement qu’il serait bon d’aider Ascoval à survivre, les discours du ministre de l’économie et des finances Bruno Lemaire qui se défile rapidement, mettent la puce à l’oreille quant aux véritables intentions et positionnement de l’État. Après un entretient à Bercy, les salariés et la direction d’Ascoval découvrent rapidement que cette administration semble encore sous l’influence de Vallourec, favorable à la fermeture de cette industrie. Il leur faut donc saisir l’État et obtenir gain de cause.
Sur le fil
Chapitré par de nombreux cartons qui rythment l’avancée de cette lutte commune, Le feu sacré met en lumière les différentes étapes clés de cette révolte salariale, et participe à la mise sous tension du récit : l’usine va-t-elle ou non être fermée ? Les ouvriers vont-ils avoir gain de cause ? Les mutineries de Bercy sont-elles de simples rumeurs ou sont-elles avérées ?
La force de ce film tient en partie à la durée de son tournage immersif. En couvrant ce combat pour la vie pendant un long laps de temps, Éric Guéret parvient à rendre compte du nombre de montagnes russes émotionnelles et péripéties dramatiques que les ouvriers ont du affronter. Jusqu’à la fin, notre attention est captée et le sentiment d’injustice nous emplit.
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le 22 oct. 2020
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