« La cabane est tombée sur le chien »
Voilà un film qui, manifestement, ne laisse pas indifférent, et a provoqué en moi des sentiments pour le moins mitigés. Je me dois d'abord d'indiquer que ma critique ne sera pas aussi objective qu'elle pourrait être (même si l'objectivité n'existe pas), car je suis un amoureux du rugby, sport que je pratique en amateur dans un modeste club.
Le film commence avec la voix off de Tom, le fils de Jo Canavaro, qui présente d'emblée et sans ambages la nature du problème, le nœud du film en quelque sorte : « dans la famille depuis cent ans, le rugby c'est plus qu'une religion, c'est un devoir familial, une obligation ». En gros, ce gamin de douze-treize ans n'a d'autre choix que de faire du rugby et d'aimer le pratiquer.
Son père est un con, un vrai (au début surtout, car il est évident dans ce genre de film que le personnage va évoluer et même finir par devenir un bon père), un ancien rugbyman macho qui se bat régulièrement, critique les profs et est incapable de valoriser son fils, de communiquer avec lui, de lui transmettre de l'amour ou des encouragements. Le rejeton est très bon en maths, mais Jo ne trouve rien à lui dire d'autre que les maths ne servent à rien... La seule chose qui intéresse Jo, c'est que son fils réussisse dans le rugby. Le problème est que Tom est assez nul et qu'en plus, il ne veut plus jouer : il entre dans l'adolescence et a trouvé la meilleure façon d'atteindre son père, qui évidemment ne va pas le supporter.
La suite de l'histoire est totalement improbable : sans entrer dans les détails, Jo veut monter une équipe de jeunes en un mois alors qu'il n'a d'autre jeune que son fils qui en plus ne veut plus jouer. Heureusement, un de ses anciens potes revient providentiellement de Nouvelle-Zélande avec dans sa manche un Maori prêt à entraîner les gamins d'une modeste équipe d'un petit bled de campagne... Pour au final, bien sûr, les amener à la victoire.
Manifestement, le film souffre d'un problème d'écriture, en dépit de la bonne volonté de Philippe Guillard, ancien rugbyman dont c'était le premier long métrage, ce qui explique quelques maladresses, notamment au niveau du montage : même s'il y a quelques surprises, le film est extrêmement prévisible, on sait dès le départ ce qui va se produire : le minot va devenir un bon joueur et même réussir à plaquer, ils vont constituer une équipe et gagner le match, le père va apprendre à parler à son fils et enfin se trouver une gonzesse. Du lourd. Impossible n'est pas français, disait Napoléon !
Et pourtant ! Tom était nul au rugby, incapable de plaquer. En quelques semaines, il devient bon et réussit un gros plaquage. Jo était un mauvais père, incapable de communiquer ses sentiments à son fils, et se foutant des ses études. Il se met à s'y intéresser quand le fiston revient vers le rugby ! Et finit même par lui dire qu'il l'aime (larmes). C'est vraiment n'importe quoi, on n'arrivera pas à me faire croire qu'on change un homme en si peu de temps. Un con est un con. Point.
D'autres détails passent mal : Tom joue en 10 alors qu'il est nul (à moins que dans le film il fasse semblant d'être nul pour pouvoir mieux justifier son envie d'arrêter, mais non, même après, il n'est pas très bon, sauf à la fin, lors du match, où il fait même un plaquage cathédrale non sifflé par l'arbitre... Désolé pour les non rugbymen) ; il enlève son casque à la fin du match, ses cheveux sont quasi impecs, il ne semble pas avoir beaucoup transpiré. Le genre de détails qui n'aident pas à compenser un scenario faiblard...
Ce qui est davantage réussi, c'est la description du rugby des petits villages, avec le folklore qui va avec, qui n'est justement pas qu'un folklore mais bien souvent aussi une réalité : une ambiance, les bouffes à la bonne franquette, les fêtes de village (la fête de la châtaigne ici, comme il se doit), l'entraide entre copains, mais aussi les gonzes qui picolent plus que de raison et se mettent souvent sur la gueule (avec ou sans alcool), les gens qui gueulent sur le bord du terrain, un registre de langage qui ne fait pas toujours dans la finesse, même s'il me paraît exagéré de parler d'homophobie comme le font certains, car il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Tout ça est assez bien vu même si le film n'évite pas les clichés.
Et la distribution n'est pas mal du tout : si Jérémie Duvall (qui joue Tom) est très mauvais dans les scènes de rugby, il est en revanche excellent dans le reste du film et tient la comparaison avec Gérard Lanvin, pas mal ou encore Olivier Marchal, excellent, de même que la séduisante Karina Lombard. A noter que l'amateur de rugby reconnaîtra des têtes biens connues dans le milieu, comme Christian Califano, Fabien Pelous ou encore Guy Noves. Et surtout Vincent Moscato, excellent dans le rôle de Pompon, sans doute le personnage le plus émouvant du film, un rôle de composition à l'opposé de sa personnalité extravertie.
Bref, pour un premier long métrage, Philippe Guillard ne s'en sort pas si mal, mais son film pâtit d'un scenario improbable, très artificiel et prévisible, qui plombe l'ensemble. C'est toutefois un film sympathique servi par une bonne distribution, qui plaira sans doute aux rugbymen qui y retrouveront l'ambiance propre à leur sport, bien que ce soit autant un film sur les relations père-fils que sur le rugby.