Exercice d'hostile
Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à...
Par
le 20 nov. 2015
68 j'aime
11
Quand j'étais ado, le collège nous avait montré le célèbre documentaire "Nuit et Brouillard" d'Alain Resnais. Les images des camps d'extermination me restent encore en tête. Des images grises, vieilles, parfois floues. Des images atroces qui, si elles m'inspiraient le dégoût, et m'apprenaient une part de l'histoire de l'humanité et des horreurs dont elle est capable, permettaient à l'ado que j'étais de les regarder avec un certain recul et ne pas être traumatisé, car elles appartenaient au passé. Ce documentaire est cependant toujours présent en moi et a participé à ma construction intellectuelle.
Le Fils de Saul m'a renvoyé dans les camps. Il ne s'agit plus ici de décrire, mais de vivre l'horreur de l'intérieur à travers Saul, SonderKommando, c'est à dire un prisonnier faisant partie d'une unité de travail du camp de la mort. Ces unités sont ensuite également exterminées, au bout d'un ou deux mois.
La caméra suit ce personnage qui, sous la menace perpétuelle des nazis et des ordres des kapos, risque la mort sans arrêt et s'affaire à toutes les tâches qui consistent à exterminer des gens dans des chambres à gaz, en conservant à tout prix la cadence de productivité.
Les "pièces" arrivent par trains entiers, il faut les trier, les accompagner paniquées dans la salle de déshabillage, les mener dans la salle de "douche", fermer la porte, attendre l'extermination en entendant les hurlements, fouiller et récupérer les vêtements, déplacer les cadavres vers le four, nettoyer la salle de douche, jeter les cendres au lac, puis recommencer tout le cycle à chaque arrivage de nouvelles "pièces".
Il n'y a pas le temps, chaque seconde de vie est précieuse.
Les victimes n'ont pas le temps de poser de questions, pas le temps de comprendre, de pleurer, et sont abattues si elles traînent trop à répondre aux injonctions ou à se diriger vers le terminal d'extermination.
Les SonderKommando n'ont pas le temps de parler, de réfléchir, de s'émouvoir, pas le droit de regarder, il faut s'activer, seulement s'activer, réagir vite aux ordres et aux opportunités de grappiller quelque chose qui peut améliorer votre "quotidien", éviter de fâcher le Nazi qui vous menace...
C'est dans ce contexte que se déroule le scénario (que je ne souhaite pas spolier).
Le film est un chef d'oeuvre de réalisme (qui dépasse de loin "La liste de Schindler") qui ne vous laisse pas le temps du recul.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015
Créée
le 16 nov. 2016
Critique lue 289 fois
3 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Le Fils de Saul
Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à...
Par
le 20 nov. 2015
68 j'aime
11
Je suis presque honteuse au moment de reconnaître qu’un film d’une telle force m’a laissée de marbre. Et cette culpabilité même rajoute à mon antipathie. Car si ce film sait par instants se montrer...
Par
le 4 nov. 2015
60 j'aime
11
Saul est un exploité dans le camp d'Auschwitz comme il en existe des centaines d'autres. Il dirige les juifs depuis les trains jusque dans les douches avant de récupérer les cadavres et les amener...
Par
le 13 nov. 2015
59 j'aime
18
Du même critique
J'étais comme ça, tu vois à rien branler au boulot et j'me colle sur internet. Bah bien sûr qu'on a internet, bouffon! Comment tu veux qu'on fasse retomber le stress quand on a eu un gros coup de...
Par
le 24 janv. 2017
29 j'aime
2
Bon, on va pas se mentir, il y a quelques gags où on sourit... Mais on reste un peu mal à l'aise... On peut très bien s'attaquer à un sujet comme le racisme pour faire rire, pourquoi pas... Montrer...
Par
le 5 janv. 2015
18 j'aime
2
Bon, alors le film est bien ficelé, les acteurs sont bons. Faut avouer, on reste devant l'écran jusqu'à la fin. Il y a tous les ressorts pour vous faire ressentir une palette d'émotions bien grosses...
Par
le 29 janv. 2015
17 j'aime
6