Des râles d'enfant comme une étincelle. Saul l'entend gémir et se retourne soudain, comme s'il se réveillait d'un sommeil profond, d'une anesthésie générale qui aurait mal tourné. Cet enfant, ce petit être qui a miraculeusement survécu aux chambres à gaz, ce bout d'homme qui n'a pas voulu s'éteindre, mais qui disparaitra inévitablement dans quelques minutes, c'est son fils. Ce sera son fils, jusqu'au bout. Lui qui s'était déjà abandonné aux feux de l'enfer, il en sortira pour être père une dernière fois. Ou une première fois.


Caméra braquée sur le visage de Saul, ou sur sa nuque, le film ne nous laisse jamais respirer. Il nous emprisonne dans cette cave infernale, nous nous retrouvons au milieu de ces damnés, plongés, noyés dans l'ambiance des camps d'extermination. Le film tourne à l'expérience, à l'épreuve, tant il invite le spectateur à prendre part à l'abomination. Si l'on aura du mal à s'y faire, on s'habitue peu à peu, comme les yeux s'accommodent lentement de la pénombre. Et à la fin, l'impression d'avoir assisté à ce que le cinéma peut faire de mieux en termes d'immersion.


Saul s'investit d'une mission. D'une seule. S'échapper n'est plus envisageable; à quoi bon quitter l'enfer pour en retrouver un autre, celui des remords, du jugement, du deuil. Non, plus qu'un sens à la vie: faire honneur à l'innocence et à la pureté. Ainsi, il laissera tomber ses acolytes dans leur tentative d'évasion, et n'aura qu'une idée en tête: trouver un rabbin, et enterrer le petit dans les règles de l'art, si on peut dire.


La dernière séquence, empreinte d'une mysticité fascinante, conclut le travail en beauté. On a là un ouvrage si abouti qu'il ne semble plus ouvrage, mais oeuvre. Bande-son, éclairage, mise en scène: tout est parfait. Ne reste que l'aridité, clairement voulue, du propos. En retour, le spectateur n'éprouve ni empathie ni pitié pour le personnage. Seulement le choc et la tourmente d'avoir vécu l'holocauste, d'être aller explorer plus loin encore que ne le font livres d'histoires ou documentaires, les tréfonds de l'abomination humaine. De sa propre âme.


Un enfant. Il en reste. De l'humanité, de l'innocence, de la pureté; tout ce qu'il avait voulu honorer en sauvant le cadavre de son "fils". Là devant lui. Alors, un large sourire à la mort, qu'il sait irrémédiable et qu'il peut maintenant toiser de sa hauteur retrouvée.

gaspard24
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le 23 nov. 2015

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