L'amour d'une mère pour son fils...
« Le Fils unique » compte parmi les meilleurs films d'Ozu, et parmi les plus sobres. D'une simplicité exemplaire, d'une retenue aussi bien stylistique que scénaristique sans pareille, il s'agit d'un long métrage terriblement émouvant. C'est l'histoire d'une veuve qui travaille dans une usine de confection de soie dans les années 1920, et qui se tue à la tâche pour offrir à son fils unique de quoi payer ses études. Alors qu'il a 27 ans, vers 1935, et qu'il est parti pour Tokyo, provoquant un douloureux déchirement, sa mère vient le voir. Mais sa vie est loin d'être aussi réussie qu'ils l'espéraient, et la mère semble abattue par la situation peu enviable de son fils. Il faut dire que la crise de 1929 est passée par là, et que ceux qui pensaient réussir à Tokyo ont pour la plupart déchanté. Pourtant, de ce noir constat, Ozu parvient à insuffler de l'espoir à ses personnages. Ce qui est incroyable, et qu'il faut louer, c'est l'abnégation de ses héros, qui traversent des moments difficiles, pleurent même, comme c'est rarement le cas chez Ozu, très pudique, mais qui décident de se battre. Je ne vous raconterai pas le fin mot de l'histoire, ni comment Ozu réussit à dépeindre l'espérance sur un arrière fond de déception. Néanmoins, j'aimerais évoquer le plan final du long métrage, à l'image de tout le film. Complètement fermé, il invite à la résignation. Et pourtant, cette insistance sur ce qui s'apparente à une impasse le rend d'autant plus prêt à s'ouvrir : c'est comme si toute cette frustration accumulée allait aboutir à un avenir meilleur. Ozu nous laisse là, sans en dire plus. Mais il a esquissé le signe que quelque chose avait changé dans le cœur de ses personnages, et que leur sacrifice ne sera pas vain. Ce qui donne une toute autre dimension à son « Fils unique », comme dans les films les plus vibrants de Kurosawa (« Je ne regrette rien de ma jeunesse », mais aussi « Rashômon », où là encore un enfant symbolise l'espoir le plus pur). Ozu n'est pas passé loin du chef-d’œuvre.