Tony Scott n'aura pas seulement tenté une conversion technique pour ce sequel du Flic de Beverly Hills, il va s'octroyer le droit d'arracher Axel Foley à sa condition de petit flic prolo de Detroit. Pour Martin Brest, réalisateur du segment original, l'intention première tournait autour du décalage social prenant à revers le cliché du petit afro inculte. Quelques plans sur la panoplie du flic de Detroit -un jean, un Teddy et une paire de baskets avachie dans une galerie d'art- suffisaient à renverser la vapeur et les valeurs. Murphy jouant le p'tit futé enfournait dans le cul d'échappement de Taggart & Rosewood des bananes tout en mettant sa petite vendetta à exécution. Dès lors, l'implication personnelle de ce nouvel opus n'a plus lieu d'être ou si peu. Jenny, l'amie d'enfance de Foley, n'est pas mentionnée ni même le tendre souvenir de Mickey Tandino froidement abattu par les sbires de Victor Maitland. L'ellipse temporelle se joue en une fraction de seconde sur un jeu de photos. Bogomil (Ronny Cox) chef de la police, Taggart & Rosewood prennent la pose en compagnie de Foley. Deux ans se sont écoulés depuis l'épisode précédent et de nouvelles amitiés se sont construites.
La mue bourgeoise élaborée par Tony Scott évacue l'amorce du discours sur le parallèle entre les classes. La ville de Detroit, elle-même, se pare désormais d'une artificialité de l'image construite des mains de l'ex-clipeur. Plus lumineuse, plus colorée, les textures attestent le choix de s'éloigner des quartiers populaires et de ne jamais soumettre le film aux plans de coupe illustrés par l'industrie automobile du film précédent. Au premier abord, l'appartement de Foley est un modèle de la middle class et non plus un taudis et le flic chevauche une Ferrari louée à grands renforts de frais généraux. Arborant lunettes de soleil et costume taillé sur mesure, la panoplie de Foley servira à démanteler un gang de fausses cartes bancaires. Pendant ce temps, à Beverly Hills, une blonde énigmatique accompagnée de professionnels masqués mènent une série de cambriolages dans les bijouteries de la ville.
Le Flic de Beverly Hills 2 est un miroir culturel qui exploite le rêve américain par le pôle économique et l'accession au folklore qu'il entend reproduire : le western. Le désir des producteurs Simpson/Bruckheimer d'imposer Scott à la réalisation, pubard doué et artiste déchu (Les Prédateurs) propulse le sequel dans une sphère dominée par l'argent, le culte de la pierre précieuse dérobée et l'énergie fossile. "Le Flic 2" occupe une place de medium dans la filmographie du frère de Ridley, cerné par les réussites individuelles de Tom Cruise dans Top Gun, Jours de tonnerre et la victoire physique et intellectuelle du prolétaire sur les institutions illustrée par Denzel Washington dans Unstoppable et L'attaque du métro 123. Une consanguinité cinématographique qui aurait engendré un Axel Foley détenteur d'un cabriolet rouge flambant neuf squattant une immense demeure avec piscine en rénovation. Foley, hédoniste, grand jouisseur des belles choses et quasi traitre envers ce qu'il représentait dans le film de Martin Brest deux ans auparavant ?. Mais l'homme n'a rien de matérialiste et "cette accession au trône" est éphémère. Un paravent obtenu grâce à une Tchatche omniprésente véritable représentation d'une double personnalité, irrésistible carapace humoristique. Les signes extérieurs de richesse ou la réussite de l'individu en pleine ère Reaganienne ne cessent d'être représentés par voies matérielles ou symboliques. Le commissaire Bogomil investit dans le pétrole pour ses vieux jours. L'appartement de Billy Rosewood au milieu de plantes grasses cache un coeur "Stallonien" avec un étalage d'affiches de Cinéma : Rambo 2 et Cobra soit le culte du corps, celui des armes et un respect sans faille de la loi. Rosewood, fils caché d'une génération élevée aux fantasmes du Septième Art reproduit à l'identique l'identité du héros républicain détenteur de gros calibres. Il évoquait déjà l'une des scènes fondamentales de Butch Cassidy et le Kid dans la séquence de l'assaut de la demeure de Victor Maitland. Billy (the kid) justement, adolescent dans un corps d'adulte prêt à en découdre avec les antagonistes plaquant ses rêves de gosse dans des scènes de fusillades tirées d'un classique du western. Ce n'est pas un hasard, si le climax prend place au sein d'une ferme/entrepôt exploitant à proximité le pétrole. Foley, flic en terre étrangère, Rosewood en cache poussière fusil à la main et le pragmatique Taggart dynamisent un trio librement inspiré d'un El Dorado moderne. Car Scott exploite son cadre en horizontalité -2:35- de manière à capturer l'effet sablonneux mêlant lumière volumétrique et poussière. L'effet est immédiat et met d'emblée à distance le flic dans son environnement urbain pour le mettre face à un danger d'une autre nature.
Si les boîtes de Striptease ont remplacé les saloons, si les bijouteries deviennent les nouvelles banques, si Brigitte Nielsen incarne la nouvelle Calamity Jane, Tony Scott signe l'ultime rêve humide publicitaire au creux du western urbain. Il plane au dessus du Flic de Beverly Hills 2, une idée de nouveaux pionniers de la fin du XXème siècle bien décidés à continuer de vivre le rêve américain.
critique du Flic de Beverly Hills de Martin Brest https://www.senscritique.com/film/le_flic_de_beverly_hills/critique/57494549