Même si l’évidente mise en abîme des aberrations d’un système politique broyant les hommes jusqu’à les rabaisser à l’état d’animaux atteint absolument son but de dénonciation, même si l’horreur des faits est dépeinte comme rarement et que l’on en ressort absolument terrassé avec un sentiment d’avoir atteint une sorte d’apogée du dégoût, l’aspect (sur) documentaire du film efface toute velléité de mise en scène au profit d’une sorte de docu-fiction ultra démonstrative qui au final en devient totalement désincarnée.


Situé dans les tréfonds d’un désert de Gobi balayé par le vent, avec comme seul horizon un épais brouillard de poussière, les décors de ce camp de rééducation Maoïste deviennent le théâtre macabre d’une mort progressive de l’âme humaine. Parfaitement orchestré par le courageux cinéaste documentariste chinois Wang Bing, pour ce qu’il veut en faire, l’ayant tourné dans les pires conditions, le film atteint incontestablement son but de dénonciation avec une sorte d’insistance de l’inexorable touchant à l’assèchement, pas une goutte d’espoir, mais s’alourdit d’une sorte de chape de plomb ne laissant aucune place à la moindre proposition de cinéma.


A vouloir provoquer le choc à tout prix à grosses doses de réalisme, jusqu’à l’écœurement, certains passages du début atteignant même des sommets de dégoût à la limite du nauséeux, le réalisateur donne à son film des aspects de docu-fiction choc qui fait parfois penser aux fameux « mondo movies » dont le cinéma d’exploitation italien nous abreuva dans les années 80.


Absolument problématique, car désincarné et sans cesse écartelé entre sa volonté de dénoncer en déclenchant l’artifice du choc à tout prix, par une surdose d’imagerie nauséeuse, le film devient une sorte d’expérimentation visuelle visant l’écœurement, malsaine et atteignant son but dans ce sens, mais s’exposant à une sorte de pathos diligenté qui finit par devenir contre-productif.

Créée

le 16 déc. 2019

Critique lue 209 fois

4 j'aime

Critique lue 209 fois

4

D'autres avis sur Le Fossé

Le Fossé
philippequevillart
5

Punishment park

Même si l’évidente mise en abîme des aberrations d’un système politique broyant les hommes jusqu’à les rabaisser à l’état d’animaux atteint absolument son but de dénonciation, même si l’horreur des...

le 16 déc. 2019

4 j'aime

Le Fossé
TheStalker
9

Dédié à ceux qui ont souffert, à ceux qui sont tombés, et à ceux qui survivent encore.

"Le Fossé" est une oeuvre éblouissante et traumatisante. Le défi de Wang Bing était pourtant considérable : Filmer avec justesse l'horreur absolue des camps politiques en dictature, et en faire un...

le 26 juil. 2017

4 j'aime

Le Fossé
YgorParizel
8

Critique de Le Fossé par Ygor Parizel

Un film extrêmement dur, l'auteur montre l'horreur absolue qu'était les camps de réeducation dans la Chine des années 50 et 60. Rien n'est épargné aux spectateurs, la famine, la fatigue, le froid qui...

le 29 mai 2015

2 j'aime

Du même critique

La Chienne
philippequevillart
8

L'ange et la mort

Dans La Chienne, second film parlant de Jean Renoir, c’est surtout quand les voix se taisent et que l’image reprend naturellement ses droits que le lyrisme dramatique s’impose pour offrir de grands...

le 31 janv. 2023

19 j'aime

2

L'assassin habite au 21
philippequevillart
8

Meurtre oblige

Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball...

le 21 avr. 2020

18 j'aime

8

Joker
philippequevillart
6

Autant de clown clinquant

C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte...

le 9 oct. 2019

18 j'aime

5