Je trouve Le Fruit défendu assez moyen. L’histoire qui pouvait paraître osée en 1952 présente aujourd’hui peu d’intérêt. Le personnage de Martine est stéréotypé et lourd. Par contre, le personnage d’Armande est parfait en bourgeoise superficielle, convenue, attachée aux apparences et aux mondanités. Mais c’est essentiellement Fernandel qui sauve l’ensemble, les scènes de jalousie sont particulièrement bien jouées. La fin poignante remonte également le niveau. Cette fin aurait pu être encore meilleure si le film avait respecté la finale du roman Lettre à mon juge, de Georges Simenon dont le film s’inspire. Dans l’histoire originale, Charles tue Martine avant de se tuer lui-même. Le Fruit défendu nous offre donc une version édulcorée de l’histoire. Cependant cette relation adultère devait être déjà suffisamment choquante à l’époque pour ne pas en rajouter.
La relation qui existe entre Charles et Armande est du même type que la relation entre Pierre et Carole qu’Henri Verneuil mettra en scène 40 ans plus tard dans 588, rue Paradis. Autant dire que le thème lui parle… Dans ces deux histoire, la femme dirige, contrôle, régente tout dans le moindre détail, de l’emploi du temps à la tenue vestimentaire et le mari faible s’écrase. La ressemblance entre ces deux situations va jusqu’aux répliques qui utilisent les mêmes termes.
Le Fruit défendu : « Charles : « la première fois, c’est ma mère qui m’a marié, la deuxième, c’est ma femme qui m’a épousé »
// 588, rue Paradis : « Pierre : « j’ai compris qu’on n’épouse pas Carole mais que c’est Carole qui vous épouse ».
Dans les scènes où les couples s’expliquent enfin, on retrouve à peu près les mêmes termes :
Le Fruit défendu : « Armande : « Charles ? Il ne t’es jamais venu à l’idée que je t’aimais ? » Charles : « que tu m’aimais ? Ma pauvre Armande, Tu confonds l’amour avec le bouillon de céleri ». Le bouillon de céleri faisant partie des modes de vie imposée par Armande à Charles…
// 588, rue Paradis : « Carole : « Bien entendu, jamais tu n’envisages l’éventualité que j’ai pu aussi t’aimer ? Pierre : « Aimer ? Ma pauvre Carole ! (…) Tu as toujours confondu l’amour et l’amour propre ».
Si en 1952, dans Le Fruit défendu, Henri Verneuil fait finalement revenir Charles auprès d’Armande, en 1992, dans 588, rue Paradis Pierre se sépare de Carole et commence une relation avec Astrid. Autre temps, autre mœurs, autres scénarios.