Après-guerre, le cinéma anglais a produit peu de films noirs, mais a laissé trace de deux perles. D'une part, Les forbans de la nuit, de Jules Dassin, et ce film-ci, qui fut pourtant un succès mitigé à sa sortie, et dont la réévaluation fait qu'il est régulièrement classé parmi les meilleurs films britanniques.
Adapté par Graham Greene à partir de son roman éponyme, Brighton Rock se passe dans la station balnéaire de Brighton, au sud de l'Angleterre. Richard Attenborough incarne le chef d'un gang, nommé Pinkie Brown, spécialiste dans le racket de fonds gagnés dans les courses de chevaux. Celui-ci va tuer un de ses rivaux, et la veuve de ce dernier va faire son enquête afin de contredire la version policière des faits, en l'occurrence un suicide. Elle va rencontrer une jeune serveuse qui affirme que le chef de gang a bien tué, et ce dernier va acheter son silence par un mariage. Mais ça ne suffira pas pour calmer l'inflation de colère et de violence qui anime cette veuve...
En voyant ce film, datant de 1947, et plaçant l'histoire en 1935, difficile de croire que nous sommes en Angleterre, dans une station balnéaire. On imagine bien l'histoire à Coney Island, à New York, ou bien à San Francisco, et les figures imposées du noir sont bien là, avec un travail sur les ombres, l'éclairage noir et blanc, et bien entendu sur le méchant, incarné par un formidable Richard Attenborough, dont ce fut le premier rôle marquant, à 24 ans.
La grande qualité de ce personnage est qu'il restera une ordure jusqu'au bout ; il n'a rien de sympathique, tue et assassine de sang-froid, épouse par intérêt une fille dont la seule attention sera de graver un message sur un gramophone lui disant ce qu'elle envie d'entendre un boucle, soit un je t'aime, dont il n'en pense pas moins. L'interprétation froide et implacable d'Attenborough constitue un énorme point fort, car il reste droit dans ses bottes, et pas une fois il ne rigolera, ni de sous-entendus, c'est un personnage ordurier comme on en voit peu dans les films anglais de cette époque, ce qui scandalisera la critique à sa sortie.
Face à un tel acteur écrasant ainsi le passage, difficile aux autres acteurs d'exister, en particulier Carol Marsh, qui incarne son épouse, et qui parait être d'une incroyable naïveté ; on voit bien qu'elle aime Pinkie, mais elle a l'air d'en avoir rien à faire qu'il soit un assassin, ou qu'il rejette la religion, car elle est croyante. Mais son personnage aussi crédule apporte un côté poupée de porcelaine dans une histoire où l'enfer est sur terre, et avec un homme qui ne craint personne.
Je reprocherais peut-être quelques longueurs, bien que le film fasse moins de 90 minutes, afin de densifier une histoire qui est au fond très simple. Mais il faut découvrir cette perle du film noir britannique, avec un acteur vraiment excellent, et dont la noirceur sera jusqu'au bout, y compris le final qui ressemble presque à l'antichambre de l'enfer.