Passé par Ghibli, la Toei et Madhouse avant de fonder sa propre société de production, le Studio Chizu, Mamoru Hosoda s’est fait remarquer – en seulement quatre longs-métrages (si l’on excepte ses collaborations sur les franchises Digimon et One Piece) – comme l’une des valeurs sûres de la japanimation post-Miyazaki. Un auteur en pleine maturité ayant su développer des thématiques fortes et un univers très personnel, entre personnification et sphère familiale.
Ce qui surprend de prime abord dans Le Garçon et la bête, c’est la densité thématique et scénaristique qu’il arbore. Là où les précédentes réalisations de Hosoda, bien qu’extrêmement travaillées, présentaient une relative pureté de forme et de fond, ce nouveau volet est un défouloir symbolique qu’un Otomo de la grande époque n’aurait pas renié. On sent d’ailleurs les inspirations du metteur en scène : Akira, Le Voyage de Chihiro, Le Livre de la Jungle ou encore le chanbara (et principalement ceux de Kurosawa) ; Hosoda ne cache pas ses références. Elles n’étouffent pas pour autant le film, qui se construit une propre mythologie et, surtout, une piste de réflexion bien lointaine de l’allégorie nucléaire d’Otomo ou du monde enchanteur d’un Miyazaki. Le Garçon et la bête, au-delà de ses errances fantastiques, est un film à hauteur d’homme. Un conte philosophique sur la paternité, le rôle du modèle et la crise identitaire – un mélimélo philosophique qui, comme pour embrasser la complexité de sa problématique, en adopte la pluralité.
On passe du coq à l’âne, de la baleine à l’ours, de l’homme à l’animal – il faut avoir l’esprit accroché, car la réflexion posée par le film de Hosoda est très évolutive (et parfois un peu brumeuse). Les plus jeunes se sentiront peut-être écrasés par le poids de ces lignes directrices qui prennent souvent le pas sur la narration, en imprimant leur symbolisme très imagé sur la pellicule. Mais c’est là aussi le plus grand accomplissement du film : arriver à adjoindre l’idée et la méthode, quitte à sacrifier l’évidence mangaka en faisant parfois le choix de l’anti-spectaculaire.
Le résultat est parfois chaotique, mais il possède un charme unique. Hosoda l’a compris, l’animation n’est pas là pour copier le réel – là où Miyazaki le réinventait, lui s’occupe de le métamorphoser ; transcendant le quotidien de touches plus ou moins fantasmées, définissant finalement les règles de ce Japon animiste, proche de l’imagerie de ses traditions ancestrales mais aussi des questionnements humains relatés par le cheminement de ses personnages.
Chacun sera plus ou moins sensible à l’émotion procurée par Le Garçon et la bête – mais derrière l’aventure et le récit initiatique classique, difficile de ne pas admirer l’artisan et ses ambitions. Si la qualité de l’animation ne fait aucun doute, c’est la profondeur incroyable du film, l’intelligence de son propos et de son exécution qui le rend si follement bouleversant – au moment précis où, derrière les drames rencontrés par les protagonistes, on réalise qu’un auteur est en train de nous parler, dans une déchirante et délicieuse éloge de la stature parentale. Impossible alors de ne pas soi-même s’y identifier.