"Ceux qui chercheront à comprendre périront."
Derrière cette assertion définitive semble se cacher le propos liminaire de ce qui est de loin l'œuvre la plus absconse du maître Miyazaki.
Ce film testament, d'aucun pourrait le trouver inutilement complexe et étrange, s'enfonçant progressivement, comme son personnage, dans des couches de plus en plus épaisses de mondes et de péripéties créés de toute pièce, geste excessif et injustifié.
Pourtant ce succedanné de toute l'œuvre de Miyazaki (on y retrouve pèle-mêle tous ses motifs de prédilection et ses obsessions stylistiques) marque une relecture brutale, cruelle, désespérée d'une enfance meurtrie, d'une blessure originelle sur laquelle se retourne un vieillard qui n'a désormais plus rien à prouver.
La violence de certaines images, cauchemardesques, traumatiques, se confrontant sans détour à la mort et présentant, chose rare dans son œuvre, une nature agressive et insatiable, et la précipitation de certaines séquences (cette fin si brutale et pourtant l'évidence même) sont autant la formalisation radicale de souvenirs de jeunesse évanescents, donc voués à disparaître (c'est le message final), que l'émouvant aveu d'échec et d'impuissance d'un des plus grands créateurs contemporains.
Cette introspection retrospective et cette approche primaire de l'autobiographie (l'amour d'une mère, le choc de sa perte, la guerre, les catastrophes écologiques, et plus globalement la confrontation au Mal des Hommes) a quelque chose de profondément déchirant et universel. Miyazaki, dont on pourrait voir de multiples alter ego dans le film, se pose en demiurge qui, sentant sa fin proche, transmet aux générations prochaines, dans lesquelles il place toute sa confiance et son espoir, les clefs d'un monde qu'il sait par essence mauvais mais qu'il aurait rêvé rendre meilleur. Cela rappelle Kurosawa qui dans Yume proposait, avec l'un de ses derniers films, son œuvre la plus expérimentale et crépusculaire, et peut-être la plus émouvante.
On se plaira donc à chercher derrière chaque monde imaginaire, chaque personnage, chaque chimère le souvenir réel qui l'a fondé. Mais on se laissera plus globalement porter par ce recit sibyllin aux images terrassantes de beauté, derrière lesquelles il n'y a peut-être rien de plus à comprendre qu'un récit initiaque tel qu'en a tant fait Hayao Miyazaki, doublé d'un adieu au débordant de métaphores au monde.