Le Garçon et le Héron
6.9
Le Garçon et le Héron

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2023)

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en allant voir ce film. Je suis un gros gros fan de Miyazaki et j'avoue que la bande annonce me vendait un peu du rêve, mais la peur de la déception est quelque chose qui me fait toujours me tenir sur mes gardes. Je ne peux donc pas dire que je suis déçu par ce film, mais je peux quand même dire que c'est un beau gâchis.


Ca commençait bien pourtant ! En fait le film se divise en deux parties, et même si au final la première est un peu lente, elle se retrouve au final bien au-dessus de la deuxième, brouillonne et sans saveurs. D'autant plus que son rythme lent permet de faire ressortir la magie du quotidien et la plus grande force du long-métrage : son animation.


Parce que oui s'il y a bien quelque chose que je retiens de ce film, c'est comment tous les petits détails, toutes les petites subtilités dans la manière de donner vie aux personnages sont l'aboutissement de plusieurs décennies de maîtrise d'un style. Oui, au début il ne se passe pas grand chose, le protagoniste emménage dans sa nouvelle maison, essaie péniblement de cohabiter avec sa belle mère qu'il ne parvient pas encore à accepter dans sa vie, va à l'école, se dispute avec ses camarades d'école avec qui il ne partage pas le même rang social… bref, ce qui nous est montré ici, c'est le banal d'un quotidien, et ça fonctionne.


On remarque l'attention apporté au garçon marcher à reculons le plus silencieusement possible pour ne pas être plus longtemps témoin d'une scène qui le met mal à l'aise, on le voit péniblement traverser un chemin compliqué d'accès en cherchant ses pas à travers des cailloux. On le voit se changer et devoir s'y reprendre à plusieurs fois pour refermer sa braguette qui se coince dans le tissu du pantalon. Tous ces petits détails m'ont fasciné, tant ils illustrent la maestria d'un ancien qui a parfait un style et qui décide du haut de son grand âge de donner de l'importance à l'insignifiant.


Et puis vient le début des péripéties, et donc le début des problèmes. Mahito va dans un autre monde pour aller chercher sa belle-mère qui a disparu ou pour retrouver sa mère qui parait-il est encore vivante. C'est l'un ou c'est l'autre ? On ne sait pas trop, c'est peut-être les deux, c'est peut-être autre chose encore, et ça représente bien le plus gros problème du film : Il ne sait absolument pas ce qu'il essaie de raconter. Et à partir de maintenant et jusqu'à la fin du long-métrage vont s'enchaîner des situations déconnectées les unes des autres qui à chaque fois vont nous faire nous dire "Mais pourquoi ?"


Le protagoniste est d'abord accompagné dans son périple par une mamie qui d'un coup va disparaître, on ne sait pas trop pourquoi, pour être ensuite remplacée par une version plus jeune d'elle-même - on ne sait pas trop pourquoi - qui va elle aussi retourner en coulisses pour laisser la place à un héron, qui va le temps de ses quelques scènes, se présenter comme un comic relief qui recycle les tropes des autres films du vieux, qui va ensuite disparaître également pour laisser la place à une version jeune de la mère du héros, qu'on va voir deux scènes, et puis après le film se termine et on se demande "Mais pourquoi ?"


On nous présente une foule de personnages qui se bousculent sans cesse dans un film qui ne donne ne chair ni sens à aucun d'entre eux. De par le fait que le film ne dure que deux heures et qu'il essaie de montrer mille trucs à la fois, il ne nous laisse jamais le temps d'apprendre à connaître les figures qui nous passent devant ni d'étoffer la relation qu'ils ont avec le protagoniste.


Je ne comprend pas l'intérêt du héron. A quoi il sert ? Qu'est-ce qu'il essaie de nous dire ? A quoi sert la mamie ? Pourquoi est-ce qu'on croise une version plus jeune et plus badass d'elle qu'on ne reverra quasiment plus jamais par la suite ? Pourquoi est-ce qu'on croise la maman quand elle est gosse mais qui est quand même la grande sœur de la belle mère plus âgée du présent ? A quoi sert le grand oncle et pourquoi est-ce qu'il vient nous sortir des grandes leçons sur la vie qui semblent déconnectées des thématiques du film à la dernière minute ? Quel est ce monde ? A quoi il sert ? Quelles sont ses règles ? Pourquoi ?


On ne comprend pas où le film se dirige, pourquoi il nous met dans les situations dans lesquelles ils nous met, pourquoi les personnages que l'on croise décident de faire ce qu'ils font. Des fois on a seulement l'impression qu'ils le font pour faire avancer le scénario… mais quel scénario ? Parce que rien ne semble faire sans, on ne se sent jamais vraiment impliqué par les péripéties mais on reste parce qu'on se dit que tout va faire sens à la fin.


Et non. Comme beaucoup de films du vieux, celui-ci se termine un peu à l'arrache mais au moins, dans les autres, on peut se dire que c'était le voyage qui comptait. Là, même pas.


Quand je suis sorti de la salle avec le fort sentiment que tout ce que j'avais vu était un peu vain, je me suis questionné sur tout ça et j'ai essayé d'y faire un peu d'ordre. Au final, ce qui ressort, c'est la relation entre le garçon et (non pas le héron, je comprend pas ce qu'il fout là) la belle-mère. C'est une histoire simple vraiment. Un gosse qui a du mal à faire son deuil et qui doit apprendre à accepter sa nouvelle famille. La belle-mère est d'ailleurs un personnage qui a beaucoup de potentiel et que j'aurai aimé voir plus. Mais malheureusement, elle aussi disparaîtra pour se faire étouffer par l'apparition d'autres figures sans intérêt. Sa relation avec Mahito semble avoir changé lors de la conclusion, mais cela ne semble jamais mérité puisque les deux ne partagent des scènes qu'au début et à la fin du film.


Il m'aurait peut-être sembler plus intéressant de fusionner le personnage du héron et celui de la mère, avec l'oiseau qui continuerait de tourmenter le garçon avec les paroles d'un fantôme du passé, l'obligeant à triompher d'une figure antagoniste qui lui ferait dans le même temps accepter de passer à autre chose, mais ce n'est pas le cas. Le film part à la place dans toutes les directions pour au final n'aller nulle part, et ce qui en résulte est un intense sentiment de gratuité.


Je passe rapidement sur la musique, composée également par Joe Hisaishi que je n'ai pour le coup vraiment pas aimé. Je respecte le fait qu'il essaie d'autres choses et qu'il décide d'avoir une approche plus minimaliste sur ces dernières créations, mais je trouve que ses compositions dans le film sont plates et ne racontent rien.


Je n'ai pas envie de dire que Miyazaki ferait mieux d'arrêter de créer, parce que j'ai l'impression que c'est un besoin viscérale chez lui, et que sa retraite rimerait avec son décès. Je respecte le fait qu'il sente le besoin produire jusque dans son lit de mort. Mais tout comme la tour branlante du grand-oncle, ce film représente une formule qui commence à sentir le moisi et qui finit par montrer ses faiblesses. J'ai regardé une interview du producteur du film où celui-ci explique que le processus de création se fait au fur et à mesure. Plutôt que de penser le film dans son intégralité, Hayao Miyazaki va d'abord créer 20 minutes du film qu'il va faire valider avant de travailler sur les 20 minutes suivantes.


Et ça se sent.


Il y a un côté cadavre exquis dans le garçon et le héron. Un côté impro presque, où le film semble se découvrir lui-même au fur et à mesure. Le résultat est un grand fouillis un peu chancelant qui, à l'image d'un vieillard, bafouille des choses sans grande cohérence.


Laissez donc Miyazaki continuer à créer, mais s'il-vous-plaît, donnez-lui une canne et une aide-ménagère.

Panineohm
5
Écrit par

Créée

le 2 nov. 2023

Critique lue 127 fois

3 j'aime

Panineohm

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