Oeuvre profonde et métaphorique, une magnifique lettre d’adieu de Hayao Miyazaki au cinéma

Je suis sorti de la salle hier avec un sentiment doux-amer, où ma déception a été grandement porté sur l’arc narratif du film à la fois classique et complexe où il est question de voyage initiatique vers un monde imaginaire, du classique chez Miyazaki.

Tout de même, je me suis dit "impossible que Miyazaki écrive un scénario comme celui là qui parait indigeste, il y a forcément des sens cachés…" 

Ducoup j’ai passé la nuit à me refaire le film dans ma tête, de trouver un sens au film mais aussi de trouver les rares infos sur le film (interview du fils de Miyazaki, de Toshio Suzuki …)

LE GARÇON ET LE HÉRON est un film avec plusieurs niveau de lecture, une oeuvre métaphorique où il faut substituer les éléments du film pour trouver un sens au récit.

Toutes les oeuvres de Miyazaki sont des métaphores (j’apprends rien en disant ça) mais par exemple dans LE VENT SE LEVE, vous remplacez les avions par le dessin et ça vous donne la vie de Miyazaki.

LE GARÇON ET LE HÉRON suit la même logique, en substituant certaines éléments, ce film devient une oeuvre testamentaire, une magnifique lettre d’adieu de Hayao Miyazaki au cinéma.

Mon interprétation du film :

Rappelons le postulat de départ : c’est une oeuvre de Miyazaki destiné à son petit-fils pour lui expliquer que bientôt, il va quitter ce monde pour rejoindre un autre.

Hayao Miyazaki est un des plus grands réalisateurs de l’Histoire du cinéma et ce film est une métaphore de Miyazaki et son rapport au cinéma et à sa postérité, en substituant le personnage du GRAND ONCLE par HAYAO MIYAZAKI, tout le film s’éclaircit.

Dans le film, Le Grand Oncle a bâti un empire (un monde magique) et l’a conservé en parfait équilibre pendant de longues années, sauf que maintenant il est vieux et cherche un successeur, c’est clairement une référence à Miyazaki lorsque ce dernier, tout jeune débarque dans les années 60 dans le monde de la télé puis du cinéma avec des idées pleins la tête et qu’il crée … le studio Ghibli, un empire cinématographique (son monde magique)

D’ailleurs on retrouve dans ce monde magique crée par le Grand Oncle, pleins de références aux films Ghibli : architecture, tapisserie, les murs, les créatures…

Le monde magique crée par le Grand Oncle dans le film représente dans la réalité le studio Ghibli, l’empire magique crée par Miyazaki pour donner vie à ses rêves et à son imagination.

Aujourd’hui, Miyazaki est un homme âgé et si il arrête le cinéma, il emportera avec lui son empire : le studio Ghibli.

Miyazaki a été un immense pionnier pour le rayonnement de l’animation japonaise dans le monde, c’est une personne qui a énormément influencé et qui a ouvert la voie à d’innombrables animateurs japonais et on a toujours voulu lui trouver un successeur pour conserver l’équilibre du cinéma d’animation japonais.

Par exemple, à chaque fois qu’un jeune réalisateur japonais perce, il est directement qualifié de "le digne successeur de Miyazaki" des réalisateurs comme Hosoda ou récemment Makoto Shinkai sont passés par là mais personne n’est arrivé à son niveau.

À la fin du film, le monde magique s’effondre ce qui signifie que tôt ou tard Ghibli va s’éteindre (Ghibli a toujours produit les films de Miyazaki et de Takahata, très rare sont les réalisateurs venus d’ailleurs que du cercle fermé de Miyazaki/Takahata)

Ce que le film essaye de nous démontrer, c’est la postérité du cinéma d’animation japonaise, et s’adresse à la nouvelle génération de cinéastes d’animation dans leur mission de continuer à faire vivre le cinéma d’animation ou le cinéma tout court.

Même si Ghibli disparaît un jour, il faut aller vers l’avant et fonder un nouveau empire comme Ghibli et le faire exister.

À la fin du film, Le Garcon fait le choix de ne pas reprendre le flambeau sans doute car il veut créer sa propre histoire et garde dans sa poche un morceau géométrique qui provient des blocs géométriques que le grand-oncle, se sert pour maintenir son monde magique en équilibre.

Les blocs géométriques représente le cinéma d’animation japonais / le studio Ghibli, Le Grand Oncle le maintient en équilibre pour perdurer son monde magique tout comme Miyazaki dans son art.

Il n’y aura jamais quelqu’un comme Miyazaki, il n’y aura pas de successeur à son cinéma MAIS il y aura toujours du monde pour faire perdurer l’art de l’animation au cinéma et au final c’est ce qui compte.

Je suis arrivé à cette conclusion grâce à l’interview Brut où le producteur et co-fondateur du Studio Ghibli : Toshio Suzuki dit que Le Garçon représente Miyazaki dans sa personnalité (dans son comportement et son attitude) et que le Héron représente Toshio Suzuki lui-meme.

Ce qui renforce la métaphore du film sur l’industrie cinématographique, si Le Garcon (Mahito) est bien Miyazaki et que le Heron représente bien Toshio Suzuki, ce film est une introspection où le jeune Miyazaki (Mahito donc) traverse le monde magique de Ghibli (qu’il a lui même créer avec Suzuki) pour au final se confronter à sa version actuelle, plus âgé : Le Grand Oncle (le Miyazaki d’aujourd’hui, un homme vieillissant) et faire un point sur tout le chemin parcouru. 

En conclusion, LE GARÇON ET LE HÉRON est un voyage initiatique fantastique d’un garçon vers des mondes imaginaires à la recherche de sa mère, une œuvre-somme sur la perte, la mort, le deuil et la transmission mais c’est aussi un voyage cinématographique dans l’univers des films Ghibli, Miyazaki transpose une histoire classique sur le deuil pour en réalité proposer une oeuvre profonde et métaphorique qui semble être un adieu au cinéma, un film introspectif où Miyazaki donne l’impression de s’adresser à lui-même et où il revoit tout le chemin parcouru, de son enfance rythmé par les bruits des bombes jusqu’à la création de son propre univers magique : le studio Ghibli.

D'une grande richesse visuelle, ce voyage est une combinaison de toutes les œuvres de Miyazaki, par sa portée autobiographique, ce film se complète avec le précédent LE VENT SE LEVE et forme une diptyque autobiographique de son auteur.

LE GARCON ET LE HERON a tout du film testamentaire mais l’avenir nous dira si c’est réellement son dernier film...