J'ai mis du temps avant de trouver les mots justes pour cette critique et en écrivant ces lignes je me demande encore si tout ne va pas finir à la poubelle.
Le Garçon et le Héron ce n'est pas seulement le dernier film de Miyazaki, retraité puis en fait non, c'est avant tout un comte sur la fin. La fin d'un monde, la prise de conscience de la vie et du rapport à l'existence. Le titre original "Comment vivez-vous ?" est déjà plus évocateur que le français.
C'est un film qui est animé par la figure de la mort. Que ça soit sa scène d'introduction, la scène du pélican blessé, ou encore dans l'idée du vieil oncle. Ce personnage qui sent son monde vacillé, qui sait que la fin est proche, et cherche désespérément un successeur, avant que le poids de sa propre création ne vienne anéantir ce qu'il avait mis tant de temps à créer. C'est un évident écho à Miyazaki lui-même dont le nouveau génie de l'animation n'a toujours pas été trouvé. C'est la fin d'un monde, le bout du voyage.
Beaucoup ont craché sur le Vent se lève, bande d'imbéciles que vous êtes, et ce film donne l'impression d'un retour en arrière stylistique. Miyazaki qui pour son dernier film acceptait le monde réel, revient ici comme pour un dernier adieu (même si on sait maintenant que ça ne sera pas le cas) dans un nouveau monde, pourtant si familier, fantastique et merveilleux, qu'il va anéantir.
Et pourtant quel monde. Si on retrouve certaines références évidentes : les petites boules (j'ai oublié leur nom) semblent se rapprocher des noiraudes, l'idée du passage d'un monde à l'autre, peut se rapprocher d'un Chihiro (référence à Alice au Pays des merveilles, vous l'aurez compris), et la ville du début prenant feu n'est pas sans me rappeler celle du Château Ambulant. Et c'est toujours aussi simple finalement. T'aimes bien les perruches ? Boh on va t'en mettre qui font 3 mètres et tu fermes ta gueule. C'est cool un pélican ? Boh et si on t'en montrait un blessé au bord de la mort te racontant, des étoiles dans les yeux, ce qu'est la vie ? C'est ce mélange entre la simplicité et l'étrangeté de la mise en situation qui donne aux univers de Miyazaki cette patte si marquante et reconnaissable.
Et le film pourrait se résumer en une ballade dans cet univers. J'ai le sentiment que Miyazaki ne veut plus raconter une histoire dans l'académisme du terme. Il recherche le voyage. L'errance. J'ai entendu que certains se sentaient perdus pendant le film, et l'ont mis à son discrédit. Je pense qu'au contraire c'est totalement voulu. La fin du film, par exemple, est particulièrement anti-climatique. C'est un voyage mental que le personnage principal fait, où il doit accepter de laisser partir sa mère, de se détacher du passé et de son poids (comme si Miyazaki demandait à son fils de se forger sa propre existence). Mais l'histoire en soit, concrètement ce que l'on voit à l'écran, est un jolie bordel, un amoncellement de scène qui ne trouve pas forcément une logique aux premiers abords, parce que Miyazaki a abandonné l'idée d'un point A jusqu'à un point B, ce qui l'anime c'est une galerie de personnages, de scènes, d'instants qui parlent plus qu'ils ne racontent, qui disent plus qu'ils ne développent. Si on peut estimer que c'était déjà le cas avec son chef-d'œuvre (dont je tairais le nom ici mais vous savez très bien duquel je veux parler), c'est d'autant plus signifiant ici quand il est question du deuil, d'un chemin d'acceptation qui ne doit donc pas se faire dans la précipitation des événements extérieurs mais bien dans l'intériorité de chacun, dans la longueur et dans le temps.
Je ne veux pas forcément plus m'attarder sur la qualité de l'animation en soit, elle coule de source. Miyazaki sait gérer son dessin, et l'accompagne intelligemment d'animation 3D (relativement rare, mais efficacement utilisée). On avance toujours entre 2 zones, l'enfance et l'adulte, le rêve et l'horreur.
C'est encore une œuvre profondément troublante que nous retrouvons ici, qui n'est évidemment pas à mettre entre toutes les mains, qui en décevra évidemment, mais qui à mon humble avis peut regarder ses prédécesseurs dans les yeux. Retrouver Miyazaki après 10 ans, c'est s'attendre à être sur un chemin balisé que l'on connaît pas cœur, et découvrir que effectivement rien n'a changé et pourtant rien n'est exactement pareil.