Masumura a rendez-vous avec le grand patron du studio : Masaichi Nagata. Derrière la porte du bureau apparaît l’écrivain Yukio Mishima avec qui il n’a pas échangé plus de deux mots durant leur scolarité commune en fac de droit. Surprise, Mishima, probablement fier des effets de son récent body building qu’il veut exhiber, désire débuter dans un premier rôle au cinéma. Et pas un film littéraire. Il veut être le grand héros d’un film populaire, veste en cuir incluse. Le studio Daiei a déjà adapté plusieurs de ses œuvres et Nagata voit le coup évènementiel à faire. L’écrivain est comme à la maison. Il choisit son réalisateur et l'actrice pour “partager” (sa notion de partage est assez inégalitaire) l’affiche avec lui. Jeune cinéaste en vogue aussi connu pour ses articles et critiques aux avis tranchés dans les revues de cinéma, Masumura apprend ainsi sa nouvelle affectation. Pour l’actrice, le choix de l’écrivain se porte sur Ayako Wakao, la jeune femme au “mignon petit visage potel锹 et populaire dont le studio cherche à faire sa nouvelle actrice majeure après Machiko Kyō et Fujiko Yamamoto.


La Daiei refusa une première ébauche sur le féodalisme à l'œuvre dans les courses de chevaux et Masumura dû se contenter d'une histoire de yakuza faussement à la gloire de son étrange premier rôle narcissique. Faussement car il y a une certaine ironie partisane à cette histoire de yakuza opposés dans leurs actions de casseurs de grève à des travailleurs intègres ou dans le privé face à des amies pharmacienne et caissière. Même en dehors du cœur narratif les travailleurs font souvent irruption comme le livreur de nouilles ou des serveurs. Et plus encore, des silhouettes affairées hantent l’image à l’arrière-plan contrastant avec les discussions entre truands sans occupation au premier plan.


Fier d'exhiber son corps difforme : torse musclé sur des jambes de coq, Mishima lui-même est particulièrement grotesque. Bruyant sans raison, on a vite fait de l’associer avec le mystérieux petit singe à cymbales qui traverse le film. Dès qu’il s’agit de sortir une arme ses moments héroïques avortent tous ; particulièrement sa grande scène de western interrompue par deux-trois claques administrée par son ami. Masumura aussi le bouscula pour en tirer quelque chose, et l'acteur n'est pas si catastrophique que cela a pu être dit. Forcément, il est un peu rigide et s'agite trop mais cela fonctionne à peu près dans son personnage de minable têtu qui tente de s’imposer sans arriver à battre qui que ce soit à part sa femme.
Ce que son jeu gâche vraiment c’est justement le personnage d’Ayako Wakao. Malgré les baffes répétées, elle aussi prend peu à peu l’ascendant sur lui et impose ses choix. Cependant, j'ai l’impression que le jeu de Mishima empêche Wakao de prendre la place qui lui est dû à l’écran. Dans les scènes qu’ils partagent, égocentrique ou débutant trop concentré sur son propre jeu, il porte peu d’attention à sa collègue qui reste trop en retrait pour l’importance qu’elle gagne dans leur relation.


À part cela, toute cette bizarrerie tient pas trop mal debout, sans éclat, un peu moche avec son vert glauque sur tous les murs et vêtements, mais qui a le mérite de dévier du yakuza flamboyant tel qu'écrit dans le scénario que Masumura modifie durant le tournage. Puis après ce film, Masumura qui enchaînait avec servilité les films commerciaux pu négocier un projet personnel sur les mouvements de protestation étudiante.
La fin fonctionne. La tension monte en quelques secondes et la conclusion est à l’image de la personnalité grotesque de son protagoniste : à contre-sens dans l’escalator https://youtu.be/wUNPl-0RwiA


pour une scène d'agonie ridicule qui dure déraisonnablement longtemps (1min30 à ramper dans l’escalator).


¹ Dans un article qu'il écrit quelque temps auparavant (je retrouve la source exacte bientôt)

Homdepaille

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