1964, année faste et de la consécration tardive de Louis de Funès avec le succès inattendu de ce film à petit budget auquel peu de monde croyait et qui précéda la sortie de Fantômas. Le Gendarme et Fantômas seront les deux petites comédies populaires très made in France de l’époque qui feront de de Funès une star du box-office avant les cartons du Corniaud, sorti l’année suivante, et, bien entendu, de La Grande Vadrouille en 1966. Ce Gendarme de Saint-Tropez, c’est, avant tout, un symbole. Le film débute par une séquence en noir et blanc dans un style très proche des petites comédies auxquelles de Funès a pu participer entre la fin des années 50 et le début des années 60, puis il bascule sur un générique en couleurs avec des thèmes tout à fait ancrés dans leur temps (la jeunesse, les vacances, le nudisme, le choc des générations). De Funès passe à la couleur et bascule dans une autre dimension.
Pour son troisième film sous la direction de Jean Girault après les très bons Pouic Pouic et Faites sauter la banque (sorti quelques mois plus tôt), de Funès a son personnage bien en main. Fort avec les faibles, faible avec les forts, plus nuancé dans ses mimiques, servi par quelques scènes cartoonesques et entouré d’une équipe à son service, il propose aussi une ribambelle d’idées qui renforcent le burlesque de l’ensemble. S’il rencontre un succès inattendu, ce Gendarme de Saint-Tropez a de multiples atouts dans sa manche. Moderne, il est tourné entièrement en extérieur, il évoque les sujets de la jeunesse et de la révolution sociale qui est en marche mais parle aussi aux anciennes générations. Forcément, aujourd’hui, certaines choses paraissent désuètes à nos yeux mais ce film n’a plus rien de théâtral comme beaucoup de comédies populaires de l’époque.
Si l’ensemble est inégal, il pose tous les jalons d’une série composée d’opus jamais totalement aboutis mais dont les meilleurs moments forment, d’une certaine façon, une comédie idéale. S’apparentant à une suite de sketches plus ou moins réussis, le film est parfois hilarant (notamment dans les oppositions entre les différents personnages), parfois à côté de la plaque (Cruchot en Thierry la Fronde par exemple). L’ensemble manque d’un scénario plus cohérent, d’un rythme mieux soutenu et de moments marquants plus nombreux mais tout est là : les personnages, la bonne sœur, Saint-Tropez et tout le reste. C’est très sympathique et rafraîchissant mais certaines suites exploiteront mieux ces ingrédients dans des scènes plus dingues que celles qui sont ici esquissées. Il faudra en effet attendre les opus suivants pour voir, notamment, la relation entre Gerber et Cruchot atteindre un certain summum.