Albuquerque, Nouveau-Mexique. Le journaliste Chuck Tatum est coincé dans ce trou paumé tant qu'il n'aura pas trouvé un scoop juteux qui le propulsera sur le devant de la scène. La découverte d'un homme coincé dans une vieille mine pourrait faire l'affaire...
Critique acerbe sur les médias toujours en quête de sensationnalisme, Le Gouffre aux chimères est un film qui marque de par son ton pessimiste sur la nature humaine. L'intrigue débute avec le journaliste Tatum, incarné par le charismatique Kirk Douglas, qui use à merveille de son physique et de son son sourire carnassier pour dénicher la moindre nouvelle croustillante. Voyant un pauvre type, Leo Minosa, bloqué dans une mine, il profite de l'incident pour publier une série d'articles destinés à émouvoir tous les foyers d'Amérique. Le succès est au rendez-vous et la machine infernale est lancée.
Si Tatum est l'instigateur de tout ceci, son oeuvre va cependant être prolongée par les autres protagonistes du film. Que ce soit la femme de Minosa, le shérif ou les ouvriers, tous vont trouver leur intérêt à laisser le pauvre Léo pourrir dans son trou. Le constat est accablant : l'homme aime se repaître de la misère humaine, surtout si cela sert ses ambitions personnelles.
Derrière la caméra, Billy Wilder jette un regard impitoyable sur la grande farce qui se joue. Du haut d'une montagne, il dresse chaque jour un panorama du lieu de l'incident autour duquel l'on peut voir les badauds, de plus en plus nombreux, s'agglutiner en masse. Le public est friand de drames humains et il reste scotché devant la mine comme s'il était devant son poste de télévision. Des marchands ambulants vendent du pop-corn et de la barbe à papa pour améliorer la qualité du spectacle. Face à nous, est dressé le microcosme de la société américaine et de sa propension à capitaliser et consommer le drame humain.
Tatum assiste au cirque infernal qu'il a lui-même créé. Il est hélas trop tard pour l'enrayer. Encore une fois, Wilder démontre tout son génie pour nous conter comment l'ambition peut se transformer en cauchemar.