Revoir ce film après tant d'années en ayant mûri, permet de mieux l'apprécier pour son sujet forcément un peu appuyé mais d'une efficacité redoutable qui dénonce avec virulence les carences d'une civilisation et une certaine forme de journalisme à scandale, le tout basé sur un fait divers réel survenu en 1925 dans le Kentucky. D'où le fait que je hausse ma note de 7/10 à 9/10.
C'est en effet une satire cruelle et mélodramatique des méthodes de la presse à sensation, où avec un sens aigu de la tension dramatique, Billy Wilder montre jusqu'où est prêt à aller un reporter en faisant preuve de la plus abjecte déformation pour obtenir le scoop et la célébrité.
Lorsque le film est sorti en 1951, la presse l'a boudé et violemment attaqué en reprochant à Wilder que l'ignoble journaliste incarné par Kirk Douglas était invraisemblable, ignorant ouvertement la déontologie. Plus de 60 ans après, ces reproches s'écroulent, car c'est un film fort, dur, manichéen, qui secoue et inquiète. La mise en scène noircit les contours et enfonce le clou en prenant la population qui lit les journaux pour un public crédule et avide de sensationnel, et les plumitifs pour des êtres dépourvus de moralité et vénaux. En plus, ça n'a pas beaucoup changé de nos jours, le public a toujours un goût malsain pour l'odeur du sang, c'est pourquoi la foule avide est autant la cible du propos que les journalistes sans scrupules.
Le suspense artificiellement entretenu par ce reporter immoral ne laisse aucun répit au spectateur, et dans le rôle de cet arriviste odieux, Kirk Douglas trouve une de ses plus éclatantes compositions, faisant d'un rôle antipathique à l'excès un des premiers jalons importants de sa longue carrière. Un des films les plus sombres de Billy Wilder, en même temps une réflexion féroce sur la nature humaine.
A noter : le premier titre original "Ace in the hole" (littéralement "un atout dans la manche") fut changé par la Paramount qui le retitra "The Big Carnival", à la suite de l'accueil glacial de la presse et de la critique, même si ça ne changea pas le destin du film ; c'est avec les années, qu'on a reconnu ses qualités.