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Le gout de la cerise
Le film d’Abbas Kiarostami traite du suicide en Iran mais est surtout une terrible leçon de cinéma. Le scénario se construit autour des dialogues entre le personnage principal, le conducteur d’un 4x4, et trois protagonistes soient un jeune militaire, un séminariste et un taxidermiste. L’ambiance poussiéreuse du film est autant du au lieu du tournage situé dans la banlieue de Téhéran, près d’un chantier, que l'histoire.
Au départ du film, j’avais quelques doutes sur le propos du film. La manière dont le héros aborde les premières personnes de sa voiture a tout du traquenard, cherchant la personne isolé et avec des problèmes. Je me suis même demandé si le gout de la cerise n’était pas une référence à la fellation, du type le gout de mon gland. Au-delà de la misère affichée des premières scènes, notre futur suicidé est impassible presque transparent. Il force les rencontres avec la misère iranienne et simule vainement de l’empathie pour ses contemporains. De tous les personnages, il ne leurs demande jamais leurs nom, leurs âges mais leurs origines, leur professions.
En fait, le conducteur est obnubilé par sa quête de fossoyeur et cherche à séduire, embrigader toutes personnes susceptibles de remplir la tâche. Le suicide est un crime en Iran mais ce n’est pas cet aspect qui est monstrueux pour le réalisateur. Lui-même, il prend part au suicide de son personnage principale avec sa manière de filmer. Filmant la même trajectoire, la voiture est inévitablement attiré par la tombe. Le véhicule grimpe la colline, la descend, s’arrête près de l’arbre. La scène de la sablonnière où le héros semble prendre une pause dans sa quête. Figée comme une statue de sel, le personnage se recouvre d'une poussière pris dans une mélancolie.
La relation à la terre est toutefois ambigüe pour notre futur mort. Il en semble autant dégoûté, attiré et finalement absorbé. Le dégoût apparaît avec le travail des terrassiers qui l’aide, il méprise le travail collectif, il tente d’éviter les masses humaines comme terreuses telles qu'elles apparaissent dans les machines. Insensible à la beauté de la colline parsemée d’arbres aux couleurs automnes, il préfère son trou. L’attraction est simple car comme j’ai précédemment écrit tous les chemins mènent à sa tombe, au pied d’un arbre, face à Téhéran. L’arbre prend racine dans la terre, le cadavre sera à sa place dans cet étrange Golgotha. De plus,Le héros ne cesse de penser à la présence salvatrice de l’assistant qui recouvrera son corps des quelques pelles de terre, plus rituelle que fonctionnelle. La scène finale( qui n’est pas) montre absorption finale dans la terre. Son visage éclairé par intermittence d’éclairs et entouré de terre, il s’enfonce dans le sol humide. Les traits sont marqués par la crainte de partir, être prisonnier du trou et se rassure pour ne voir que lune et étoiles. Puissante poètique de la lune et la mort.
L’autre relation à la terre est évidemment politique en Iran. Le héros ne rencontre que des étrangers, le ramasseur de sac plastique provient du Luristan, le militaire est Kurde, le séminariste Afghan puis le taxidermiste turque. Au départ, on ressent que la distance entre les cultures est infranchissable. Le conducteur pense que leurs origines les rendent moins humains, prêt à accepter sa tâche. Il a un mépris particulier envers le garde Afghan lorsqu’il discute de guerre irano-irakienne et compare avec celle en Afghanistan. Je précise que notre héro n’est jamais le porte-parole du réalisateur. Le nationalisme n'est pas la question.