Considéré par beaucoup comme étant « le plus japonais » des réalisateurs nippons ( on cite souvent son Printemps Tardif comme un modèle en la matière...) Yasujirô Ozu réalise - durant sa période la plus célèbre et la plus fastueuse - cette étude de la vie conjugale pour le moins bienveillante, de laquelle émane un calme extraordinaire, au diapason d’une caméra statique, centripète, pleinement accueillante et résolument précise.
Filmé à hauteur de petit garçon ( ou « à hauteur de tatami » si l’on s’en réfère au cinéphiles, théoriciens et autres puristes de tout poil…) Le goût du riz au thé vert est de ces films frappant d’emblée par leur limpidité formelle : pratiquement toujours fixes, les plans s’enchaînent avec une lenteur métronomique et rigoureuse, articulés la plupart du temps au travers d’intérieurs confinés ( en l’occurrence des foyers familiaux ).
Quasiment géométrique la mise en scène de Ozu centralise d’un bout à l’autre les déambulations de ses figures caractéristiques : allant d’un point A à un point B les personnages de ce drame mâtiné de mélancolie distillent savamment leur épaisseur au gré de dialogues d’une exemplaire simplicité. L’écriture de Kôgo Noda ( coscénariste attitré à Ozu depuis ses débuts à la fin des années 1920 ) est à l’image de la réalisation : réfutant l’effet pour l’effet, aspirant à une certaine forme d’ascèse et/ou de pureté le récit du Goût du riz au thé vert ne perd jamais de vue son sujet initial, à savoir l’ennui au cœur du couple et son intrinsèque fragilité.
Parlant avec une distance ad hoc de mariage arrangé ainsi que d’autres préoccupations patriarcales Le goût du riz au thé vert dévoile subtilement tout un bouleversement inhérent à la société nippone de l’après-guerre : ainsi la jeunesse fréquente assidûment les salles obscures ( la scène d’ouverture nous présente la nièce de l’héroïne évoquant l’acteur Jean Marais comme une véritable icône du monde occidental ), renâcle à l’idée de suivre le modèle familial des anciens et la conjugalité témoigne de ses propres limites ( différences sociales des deux moitiés, incapacité du personnage de Taeko à accepter totalement les petits travers de son mari qu’elle surnomme comiquement Mr . Mollasson ).
Une œuvre touchante, pas toujours facile dans sa manière d’être appréhendée mais intelligemment représentative du cinéma placide du grand Ozu. Un classique à redécouvrir.