Il y a deux parties dans le Goût du riz au thé vert, construction assez originale pour un Ozu. Deux thèmes qui intéressent Ozu au plus haut point, le troisième (les relations inter-générationnelles) sera le sujet principal du film suivant... Voyage à Tokyo. La première partie tourne autour de la nièce, à qui on propose un mariage et qui refuse. Jusque là, rien de nouveau chez Ozu. La seconde, déjà en germe, est plus novatrice et intéressante : elle tourne autour d'un couple né d'un mariage arrangé et qui bat de l'aile. L'épouse fait comprendre qu'elle le méprise, l'époux (Shin Saburi, qu'on retrouvera plus colérique dans Fleurs d'équinoxe) fait comprendre qu'il s'en fout royalement. Tout dans le film les oppose, de leur mode de vie à leurs ambitions en passant par leur entourage, elle venant de la bonne bourgeoisie, lui de la campagne. Ils finiront par se retrouver lors d'une soirée presque irréelle que seule une facilité scénaristique a pu créer. Car si Ozu dessine encore parfaitement les sentiments compliqués des uns et les autres, jouant avec eux comme il joue avec la caméra et ses prises de vue si caractéristiques de son style, la résolution du conflit est elle brouillonne par rapport au reste. Au film, il a fallu cette quasi incohérence. À ses personnages - et en fait surtout à la femme, il a simplement fallu la hantise du manque pour qu'elle puisse enfin s'avouer ses sentiments. La conclusion hâtive ne gâche certes pas la poésie générale du film, mais je lui préfère à titre personnel Printemps précoce, quelques années plus tard, qui traite plus subtilement des dynamiques de couple.