Dès le début, c'est une surprise d'entendre des Japonaises discuter d'aller voir des films de Jean Marais dans le Tokyo des années 1950. ^^
C'est peut-être le Ozu le plus tourné vers le film de moeurs que je vois pour l'instant. Car nous sommes placés dès le début dans un monde un peu à part, celui de la bourgeoisie tokyoïte. Le couple que l'on suit est le fruit d'un mariage arrangé. Le repas est servi par une bonne. Les maris rentrent et ne parlent pas de leur journée. Les épouses passent leur temps à se retrouver et papoter entre elles, se poussant l'une l'autre à torturer leur mari par des mensonges. Parfois, certaines croisent leurs maris de loin avec une maîtresse au bras, et le pire c'est qu'elles ne sont pas rancunières. Tout cela dégage une gaieté triste.
Et puis le miracle va arriver pour un couple. Celui d'un avion manqué, d'un retour inopiné du mari, d'un repas que l'on improvise alors que la bonne est couchée, tant bien que mal, en cherchant dans une cuisine que l'on ne connaît pas. Et le miracle de l'amour se produit : une épouse gâtée et dédaigneuse vis-à-vis des manières populaires de son mari comprend soudain ce qu'il aime et ouvre les vannes. Miracle de l'amour. Qui tend à faire fuir ceux qui l'apprennent car ils n'ont pas la chance de vivre cette sincérité.
C'est un bien beau film, qui me fait comprendre qu'on ait tenté un parallèle entre Ozu et le néoréalisme (les résonances avec Voyage en Italie sont évidentes). Derrière des plans statiques d'intérieur impeccables et une apparente simplicité, le découpage impeccable décrit un univers mental dans lequel évoluent les personnages. Celui des habitudes, des préjugés de classe, des impressions à l'emporte-pièce.
Encore une incroyable prestation de Chichu Ryu en ancien vétéran nostalgique de la grandeur du Japon devenu gérant de pachinko contre ses convictions. Cet acteur est vraiment capable de transformations physiques à la De Niro.
A noter le dernier plan, qui joue sur la profondeur de champ et conclue le film sur une étonnante impression de légèreté.
Encore merci à Arte pour cette rétrospective Ozu.