Allez, encore un Ozu pour moi, car on aurait bien tort de se priver d'un moment de plaisir. "Le goût du riz au thé vert" reprend en apparence la thématique habituelle du mariage arrangé de la jeune fille. En apparence seulement car Ozu joue un joue à la fois amusant et rusé entre deux trames qui s'entrecroisent : une jeune fille moderne refuse le mariage arrangé et esquive les rencontres avec son "promis". La position ferme de la jeune fille va placer la tante et l'oncle, liés par un mariage arrangé, dans l'obligation de revisiter le status quo qui existe entre eux. Ozu nous propose ici un couple en crise, en flottaison stable depuis longtemps, mais qui découvre les différences que le contrat avait caché, et qui commence à prendre l'eau.
Ozu met en valeur les petits les arrangements, les vies parallèles qui se créent lorsque deux personnes ne se comprennent plus et se mettent à vivre isolément . On ira au spa avec Takeo, on suivra Mokishi dans les petits restaurants et pachinkos de Tokyo. On lira sur leurs visages à tous les deux leur incompréhension de l'autre. Moshiki n'est pas exactement un boute-entrain et traite sa femme avec une indifférence froide, Taeko , snob assumée, n'a pas sa langue dans sa poche et se moque publiquement de lui dès qu'elle le peut... Ambiance... Le mini drame autour de la jeune Setsuko donnera au morne mais attachant Mokichi le courage de faire enfin bouger les lignes et permet à Ozu de mettre sur la table le problème de la classe sociale au sein du couple (Ozu, amateur de trains, en fera un parabole sur les première et seconde classes...). L'un est issu d'un milieu pauvre, l'autre est habituée à une vie de luxe. Il y a un manque de communication et pourtant certaines choses doivent être dites...
Superbement filmé, alternant les décors intimistes au sein de la maison ou dans la boutique de pachinko, avec les extérieurs du vélodrome, du bureau, et toujours cette respiration de trains. Les acteurs jouent ici avec une retenue qui surprend : ce film adopte un ton plus grave que "Eté précoce" par exemple. Il y règne pourtant la légèreté habituelle et ce regard respectueux du maître sur les traditions (notons que les mariages arrangés ne connaissent pas un taux de divorce supérieurs aux mariages d'amour...) qui accueille pourtant les changements de son temps.
C'est très bien comme film, sans doute trop manichéen et manquant de subtilité dans la résolution (mais très belle scène dans une cuisine), mais habité d'un calme mouvement qui emporte le spectateur. Un plaisir, définitivement.