L'angle droit, c'est bien, ça partage une droite en deux angles égaux, et instinctivement on voit qu'il y a quelque chose de carré. Du coup ça rassure : quand les choses sont droites, on peut regarder la caméra droit dans les yeux, et avec elle les choses qui nous entourent. L'angle droit, il nous fait croire que les choses sont dans l'ordre, et que si ordre il y a, alors temps il n'y a plus, car l'ordre est forcément figé.
Le nombre d'or, c'est plus compliqué. C'est une harmonie plus humaine, mais plus difficile à cerner, car un point sur un segment placé instinctivement selon la divine proportion, c'est beau sur le moment, mais plus on s'en approche, plus il s'éloigne. On le regarde de loin, les choses ont alors un sens, donc on cherche à s'en approcher, et instantanément il nous échappe. Un peu comme cette serveuse que j'ai vu hier, et qui m'a tant fait penser à la mère de mes enfants, mais seulement quand elle baisse la tête et que tu ne l'observes pas trop longtemps.
Du coup on construit en angle droit. C'est plus pratique déjà, une pièce avec des murs carrés pour s'y retrouver. Et puis quand on regarde à l'extérieur, où tout n'est que saleté, vieux bidons abandonnés et poteaux électriques d'une mocheté qu'on ne connait que trop bien, on se dit qu'un peu d'ordre là-dedans ça nous fera pas de mal.
Faut juste pas oublier d'écouter les autres. Car à force de voir les choses sous cet angle droit, on finit par ne plus évoluer avec le monde autour de nous. La guerre est terminée depuis un moment, et ma petite fille a disparu pour cette belle jeune femme. Les occasions manquées on n'en manque pas. Heureusement il suffit d'une seule bien saisie, et les choses rentrent dans l'ordre. Le vrai cette fois-ci, celui qui évolue.
Quand je vois mon tabouret rouge, je pense à ma fille si belle en robe de mariée, et puis un peu à ma femme décédée aussi. Heureusement, il me reste toujours les soirées tize entre potes, pleines de leçons de vie. On croirait pas comme ça, mais ça ferait presque un bon film, tiens.