Présenté au festival de Cannes hors compétition, le Grand Bain est le dernier film de Gilles Lelouche. Une comédie dont la réputation le précédait, et qui, malgré les avis positifs qui fleurissaient ça et là, sentait un peu le soufflé à la Podium ou Camping. J'étais sceptique mais intrigué.
Bertrand, quinquagénaire paumé qui vient de perdre son boulot suite à une dépression tenace, décide sur un coup de tête de rejoindre une équipe de natation synchronisée masculine. Il y rencontre Marcus, Simon, Laurent et d'autres, tous plus ou moins cassés comme lui, entre mariages foireux, solitude lancinante, boulots médiocres et rêves brisés. La natation synchro devient leur nouvel échappatoire.
Sceptique et intrigué, donc. Intrigué parce que le scenario était original mais aurait pu être un prétexte à tout un tas de vannes sexistes foireuses à base de "sport de fiottes". Heureusement les personnages réagissant de cette manière face à la nouvelle passion de Bertrand et consort sont discrédités à la fin du film.
L'intrigue se déroule avec une certaine cohérence, allant jusqu'au bout de son concept et assumant son côté loufoque. Un peu trop, d'ailleurs, car le résultat final est attendu, irréaliste et un peu trop beau pour avoir un vrai impact.
Mais intrigué car le casting est grandiose. On retrouve la superbe Marina Fois, avec toujours ce jeu si particulier alliant cynisme et froideur. Mathieu Amalric campe un personnage principal tellement au fond du gouffre que rien ne peut plus le toucher et est très convaincant. Car il faut dire que Gilles Lelouche a su attribuer ses rôles à des acteurs qui semblent nés pour ça. Qui d'autre qu'Amalric et ses grand yeux interrogateurs pour jouer un tel paumé ? Qui d'autre que Philippe Katherine pour le rôle d'un timide au grand cœur s'accrochant à ses quelques connaissances comme une moule à son rocher ? Que Guillaume Canet pour un mari frustré et froid ?
Chaque choix d'acteur apparaît comme une évidence tant ils sont tous bons.
Et surtout suffisamment "actifs". Il y a en tout sept personnages dont les histoires sont au moins un minimum développées, et tous ont des personnalités propres et marquées, assez stéréotypées sans être cliché.
Et à travers tant de vies froissées, le film parle de l'accompagnement de la dépression, de la motivation, de la persévérance. Une comédie française pas trop conne et pas trop raciste, pardon mais ça se fait rare, donc le Grand Bain est d'autant plus appréciable.
Et côté humour ? C'est gagné, le film a réussi à me décrocher quelques rires à gorge déployée. L'humour est bien senti est assez fin, reposant d'avantage sur le comique de situation que sur des vannes lourdes. Et ce qui magnifie également cet humour, c'est que ce long-métrage est parsemé ici et là de moments presque de drame. Comment faire autrement avec autant de personnages cassés ? Pourtant le mélange des genres est bien dosé et fonctionne correctement.
Donc oui, le Grand Bain mérite sa belle réputation. Bien réalisé et très bien joué avec un vrai propos de fond, il se détache des autres prods françaises par un humour bien dosé, une profonde bienveillance pour ses personnages, et un savant mélange des genres, malgré quelques choix scénaristiques trop optimistes pour être crédibles. Mais rien qui ne puissent empêcher de se jeter à l'eau.