Dans Le Grand Bain de Gilles Lellouche, tout l'intérêt du long métrage réside dans l'étude des personnages, dans leurs fêlures, dans leurs échecs et dans la réaction de leurs entourages. La compétition de natation synchronisée au masculin est reléguée au second plan, au profit de l'humain, de ses relations et du sens de la vie.

Bertrand (Mathieu Amalric), Laurent (Guillaume Canet), Marcus (Benoît Poelvoorde), Simon (Jean-Hugues Anglade), Thierry (Philippe Katerine) et Basile (Alban Ivanov) ont plusieurs points en commun ... ils sont vieux, dépressifs, bedonnants ... et ils portent un slip de bain. En effet, ils pratiquent la natation synchronisée en équipe, sous la direction de deux anciennes championnes, Delphine (Virginie Efira) devenue alcoolique et Amanda (Leila Bekhti) devenue paraplégique.

Peu à peu, nous en apprenons un peu plus sur chacun des personnages et sur les blessures émotionnelles qui les ont construits, sans jamais trop en dévoiler. Il y a beaucoup d'informations superflues ou non pertinentes qui sont cachées au spectateur et qui ne gênent nullement à la compréhension du film. Au contraire, ces détails non divulgués au spectateur stimule notre imagination et c'est à nous de combler les trous du scénario. Par exemple, on ne saura jamais la nature exacte de l'accident qui a mis fin au duo des deux championnes Delphine et Amanda, ni les évènements à l'origine de la dépression de Bertrand et le pourquoi du comment de son rendez-vous RH. Toutes les scènes qui décrivent le quotidien des personnages au travail ou au sein de leur entourage, ne servent qu'à donner un certain éclairage sur leur comportement dans "le grand bain" ... tout le reste est suggéré, feutré, à peine dévoilé.

Tous les membres de ce groupe sont complètement à la ramasse dans leur vie sentimentale ou professionnelle .... c'est une bande de paumés, quoi ! Ainsi, Laurent est l'archétype du parfait connard, qui se retrouve seul dans sa maison pleine de grandes baies vitrées. Il est toujours filmé depuis l'extérieur et jamais au sein d'un foyer, qui n'existe pas (ou plus) pour lui et dans lequel il ne fait jamais rien ... comme à son travail, d'ailleurs ! C'est le pendant "socialement intégré" du personnage de Bertrant, qui sort d'un burn-out violent et qui n'est jamais aussi actif qu'à la piscine. Il se sent inapte au travail et en vient même à perdre son nom au taf. Marcus, c'est le patron qui croule sous les dettes. Thierry, c'est le gardien de piscine qui se fait piquer le peu qu'il a à faire, par un ordinateur. Delphine sombre dans l'alcool et Amanda agresse tout le monde. Au final, seuls Simon le marginal rock-star et John l'aide-soignant (Félix Moati) qui rejoint le groupe sur le tard, ont un vrai taf et c'est un travail directement utile à autrui, même s'il n'est qu'alimentaire.

Il y a toujours un bon équilibre entre les scènes drôles et plus tragiques. Alors parfois, ça se joue sur le rasoir, comme cette très belle scène où le gardien de la piscine, tout joyeux, explique pourquoi il a réussi trois longueurs en apnée. Il y a aussi la scène entre Bertrand et sa femme Claire (Marina Foïs) que je nommerais la scène de la météorite, qui nous montre que ce couple, dont le mari est en crise existentiel, a une complicité solide et profonde et pourquoi il sera capable de tout surmonter. Il y a une grande délicatesse, une tendresse constante du film envers tous ses personnages. Nous avons toujours une clef de compréhension, parfois subtile, qui nous permet de comprendre ses "loosers", sans jamais qu'ils ne soient pathétiques ou bêtement odieux ... ils en deviennent même attachants.

On perçoit bien l'attachement des comédiens à leurs personnages et le respect avec lequel ils les incarnent. Car Le Grand Bain c'est aussi et surtout un film de potes, avec un casting de rêve où personne ne tire la couverture à lui. Tous les acteurs sont énormes, mais si je ne devais en retenir qu'un, ce serait Philippe Catherine qui est juste exceptionnel. Si on devait en garder qu'un seul, ça serait bien lui, tant il est époustouflant de candeur et de vérité, dans un rôle pourtant assez ingrat et assez casse gueule. Avec lui, on navigue entre le pathétisme et l'attachement sincère.

Mais cette règle est valable pour tous, tous les acteurs sont hyper attachants. C'est grâce à leur humanité et leur force, qu'on se prend à les aimer et à voir de belles qualités dans leurs failles. C'est aussi notre propre vérité qui nous saute aux yeux. Mention spéciale aux personnages féminins paumés, mais qui tiennent ces hommes encore plus paumés. Leila Bekthi est à mourir de rire avec son autorité excessive qui masque une douleur intime et Virginie Elfira est une fois de plus pleine de justesse et toujours aussi rayonnante. Quant à Marina Fois, elle supporte son mari envers et contre tout et c'est souvent l'occasion de scènes jouissives où elle remet les autres en place.

Le film est beau, drôle, touchant, terriblement émouvant et sincère. On passe sans cesse du drame social (parfois caricatural) au rire, avec des performances d'acteurs superbes, mais alors vraiment superbes. Je lui reproche juste une surécriture qui est parfois un peu prétentieuse (notamment l'introduction et la conclusion du film) et un scénario qui n'évite pas certaines facilités (des personnages fonction incarnés par Félix Moati et Jonathan Zaccaï). Je regrette aussi le final complètement improbable et inutile, car pour moi la victoire de ce groupe de loosers va bien au delà d'une médaille.

Bref, Le Grand Bain est un super "feel-good movie", avec un scénario original, une mise en scène audacieuse et un casting parfait. Et puis, Philippe Katherine en slip de bain, c'est jute irrésistible !

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le 28 sept. 2023

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lessthantod

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