Continuons notre exploration de la filmographie des Charlots avec ce qui est considéré par beaucoup de leurs fans, et par Les Charlots eux-mêmes, comme leur meilleur film, Le Grand Bazar. Pour moi, il n’arrive qu’en 3ème, après le complètement nonsensique Les Fous du Stade, et l’excellent Les Bidasses s’en vont en Guerre, tous deux de Claude Zidi, comme le film qui nous intéresse ici. Il s’agit d’ailleurs de la 3ème collaboration (sur 4) du quatuor avec le réalisateur Claude Zidi qui, grâce à leurs pitreries a réussi à se faire un nom dans le milieu de la comédie française des années 70. Il fera tourner par la suite d’autres stars telles que Coluche, Louis de Funes, Pierre Richard ou encore Jacques Villeret. Bref, quoi qu’il en soit, Le Grand Bazar est à nouveau un gros succès populaire puisque le film totalise presque 4 millions d’entrées, le plaçant ainsi à la 4ème place au box-office 1974. C’est amplement méritée.
La plus grosse différence que Le Grand Bazar a avec les autres films des Charlots, c’est qu’il porte mine de rien une vraie critique, certes parfois un peu maladroite, sur la société de consommation dans les années 70 qui prenait un tournant avec l’arrivée un peu partout des supermarchés et hypermarchés, la baisse des prix et souvent de qualité que ça engendrait sur les produits, mais surtout les répercutions que cela allait avoir sur les petits commerces, tentant tant bien que mal (surtout mal) de survivre face au mastodonte. A l’instar des Bidasses s’en vont en Guerre, il va être une fois de plus ici question du schéma classique du petit contre le gros, mais tout va bien entendu être traité sur le ton de l’humour et de la bonne humeur. La critique pourra paraître facile, mais elle semble pourtant sincère et surtout encore d’actualité aujourd’hui, quasiment 50 ans après, où tout est devenu « super », que ce soit dans l’alimentaire, l’habillement, le sport, le bricolage, … Le Grand Bazar évoque également dans sa première partie le problème du chômage, mais surtout, la fin du film est relativement sombre malgré tout, avec le personnage d’Émile qui se voit contraint de fermer boutique et de retourner dans son pays natal pour essayer de se relancer dans une autre aventure, ou cette ultime scène, où nos quatre gais lurons ont construit une petite bicoque de réparation de motos, qui résume à elle seule non seulement le film, mais aussi et surtout la loi de l’économie dans son ensemble : les gros détruisent les petits. Mais n’oublions pas que nous sommes ici dans un film des Charlots et que donc, ce qui va malgré tout primer, c’est l’avalanche de gags à la minute qu’ils sont capables de balancer à la figure du spectateur.
Car oui, il n’y a pas besoin de se le cacher, lorsqu’on se lance un film des Charlots, ce n’est pas pour le message social ou le discours philosophique, mais bien pour les voir être plus cons les uns que les autres dans des situations plus connes les unes que les autres. Et une fois de plus, ils ne vont pas nous décevoir. Dans la première partie, comme souvent, on va assister plus à une succession de petites saynètes. Fraichement virés de leur usine, ils vont chacun de leur côté faire des petits boulots où bien sûr l’humour absurde aura le dessus, avant d’œuvrer tous ensemble, d’une part pour aider leur ami Émile à attirer toujours plus de clients, mais surtout pour l’amour de la blague potache et du gag nonsensique. On va retrouver toute l’absurdité du quatuor, leur humour toujours bon enfant et un tsunami de gags burlesques, pas toujours très heureux, mais ne laissant que peu de temps de répit à nos zygomatiques, surtout qu’ils vont être épaulés ici par des seconds rôles de prestige. On retrouve en effet les inimitables Michel Galabru et Michel Serrault, venus se défouler avec eux, mais aussi l’excellent Roger Carel, qui anime une vente aux enchères comme personne, ainsi que l’habitué des Charlots Jacques Seiler qui porte sacrément bien la tête de veau. Quelques gags pourront paraitre un peu éculés aujourd’hui, mais l’ensemble est solide car le fil conducteur, qui se lance à environ 30 minutes de film, se tient jusqu’à la fin et les gags ne sont pas là que pour accumuler du gag mais bien pour accompagner le scénario. Certes, la mise en scène de Zidi n’a rien d’exceptionnelle et n’est là que pour mettre en avant les conneries des Charlots, mais le rythme ne faiblit jamais et les trouvailles pour nous faire marrer sont nombreuses.
Si vous ne deviez regarder que trois films des Charlots, ça serait Les Fous du Stade, Les Bidasses s’en vont en Guerre et ce Grand Bazar dans lequel nos quatre amateurs de gags bon enfant sont au sommet de leur art. Un vrai régal.
Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com