Le colonel Toulouse,patron des services secrets français,s'est aperçu que son adjoint Milan a monté une opération destinée à le faire tomber afin de prendre sa place.Il monte donc à son tour une contre-opération en faisant croire à son rival qu'un super-agent en capacité de le démasquer va arriver à Paris.En guise d'espion de haut vol,on met dans les pattes de Milan un pauvre type qui ignore tout de ces manigances auxquelles il est totalement étranger.C'est François Perrin,un violoniste distrait et maladroit,que désigne le hasard,et le malheureux se voit plongé sans même s'en rendre compte au milieu d'une guerre interne d'agents secrets.Mythique comédie entrée au Panthéon du cinéma français,cette parodie des "James Bond" est toujours aussi savoureuse plus de cinquante ans après sa sortie.Tout le savoir-faire du cinoche à l'ancienne est à l'oeuvre sous la houlette d'Yves Robert qui ici réalise,coécrit le scénario avec Francis Veber,rien que ça,et coproduit via sa société La Guéville avec le célèbre Alain Poiré pour la Gaumont.Veber signe en outre les délicieux dialogues,lui et Robert s'étant inspirés pour leur script d'un roman du violoniste israélien Igal Shamir,écrivain à ses heures.Côté technique c'est pas mal non plus avec de grands professionnels comme le décorateur Théo Meurisse ou le chef-opérateur René Mathelin dont la photo a ce grain si spécial propre aux films des années 70.Il y a en outre une formidable musique de l'immense Vladimir Cosma,avec en point d'orgue ce fantastique thème à la flûte de Pan joué par le flûtiste roumain Gheorghe Zamfir.L'histoire développe souplement un récit drôlatique mélangeant burlesque et humour noir,le difficile équilibre entre la folie douce de Perrin et le cynisme froid des espions qui manigancent dans l'ombre étant brillamment trouvé.Si on analyse objectivement le scénario,c'est tiré par les cheveux et ça ne tient pas debout une seconde,mais on s'en fout car on est irrésistiblement entraînés dans un désopilant tourbillon de dingueries en tous genres qui se moque allègrement des manoeuvres des officines secrètes n'hésitant pas à impliquer au passage des braves gens ignorants de ce qui se trame autour d'eux.L'innocence complète du héros,qui ne se rend pas compte un instant de ce qui se passe,établit un réjouissant contraste avec les évènements au fond dramatiques auxquels il est malgré lui mêlé,d'autant que sa façon d'ignorer la réalité incite paradoxalement Milan et ses sbires à croire qu'il s'agit bien d'un espion d'élite,sur le mode "ce mec est trop fort,il ne montre rien".On est un peu dans "Bienvenue Mr Chance",avec cette idée qu'il suffit qu'on attribue un statut à quelqu'un pour qu'automatiquement ça devienne une vérité dans l'esprit des gens.Les scènes bien barrées s'accumulent donc,entre quiproquos,paranoïa,mascarades et morts violentes mais rendues discrètes par l'usage intensif des silencieux.Pierre Richard,star comique de l'époque,est comme un poisson dans l'eau dans son numéro d'échalas attirant immanquablement des catastrophes auxquelles il échappe toujours miraculeusement.Son personnage se nomme déjà François Perrin,le patronyme fétiche de Veber avec celui de Pignon,qui sera de nouveau attribué à l'acteur,ou à d'autres, dans les films ultérieurement réalisés par l'auteur.Jean Rochefort respire la classe en chef des services secrets immergé dans une lutte à mort avec son second incarné par un Bernard Blier comme de coutume royal dans son emploi favori de faux-jeton cauteleux.La divine Mireille Darc est l'atout charme indispensable à ce genre d'entreprise et fait grimper la température,notamment lorsqu'elle porte cette incroyable robe très très décolletée dans le dos,signée du grand couturier Guy Laroche.Jean Carmet est parfait en collègue et ami ahuri de Perrin,que celui-ci cocufie à l'occasion.L'épouse adultère tient par contre de l'erreur de casting car Colette Castel est moche et en fait trop.Paul Le Person est très bien en Perrache,l'impassible homme de main de Toulouse,et une belle galerie de gueules marquantes apparait au fil des séquences,des acteurs comme Jean Saudray,Maurice Barrier,Jean Obé,Robert Castel,Roger Caccia,Robert Dalban,Marcel Gassouk,Stéphane Bouy,Xavier Gélin,ainsi que l'étrange Arlette Balkis,l'illustre prof d'art dramatique Tania Balachova,l'illusionniste vedette des seventies Gérard Majax et Yves Robert en personne dans le rôle du chef d'orchestre.Notes et critiques de films d'Yves Robert publiées précédemment:"Le château de ma mère"-4,"La gloire de mon père"-4.Moyenne:5,3.