Depuis le temps que je voulais revoir ce film, j'avais oublié que je l'avais en DVD, et comme en ce moment, avec le temps à tuer, je me fais une cure de films, le Grand frisson tombe à pic. Je me souviens encore quand je l'avais vu à sa sortie en 1977, j'étais déjà un inconditionnel d'Hitchcock, et j'avais adoré cet exercice de style où Mel Brooks, après avoir fait subir un traitement décapant au western (le Sherif est en prison), au film d'épouvante (Frankenstein Junior) ou aux films muets (la Dernière folie), s'attaquait à l'oeuvre d'un auteur. Il a volontairement choisi un cinéaste connu universellement pour que les clins d'oeil soient reconnaissables facilement, mais je signale quand même qu'il faut être connaisseur de l'oeuvre hitchcockienne, dans le cas contraire, la portée des situations parodiées sera faible, car pour qu'une parodie soit drôle, il faut que la référence à l'original soit évidente ; si vous ignorez le sens des allusions, vous perdez la moitié du plaisir que réserve ce film délirant.
Il y avait en 1977 un petit jeu de société entre potes qui consistait à reconnaître les titres de films parodiés par Mel Brooks : le début fait immédiatement penser à la Maison du Dr Edwards, et d'ailleurs le film suit un peu une intrigue similaire, il est question d'asile psychiatrique, d'aliénés pas si fous, de rêve obsédant et de meurtre inexpliqué, le tout mêlé à des thèmes vus dans Sueurs froides, de même que le nom du personnage de Brooks, Richard H. Thorndyke est une première référence à la Mort aux trousses où le héros incarné par Cary Grant s'appelait Roger Thornhill. Certains films sont plus faciles à reconnaitre comme les Oiseaux ou Psychose qui en même temps sont parmi les allusions les plus drôles et les plus surprenantes, d'autres sont moins évidents à identifier tels la Mort aux trousses ou Fenêtre sur cour...
Mais ce petit jeu bien qu'amusant est malgré tout, secondaire, ce qui rend l'exercice passionnant, c'est la démarche de Mel Brooks ; il s'empare d'une situation connue qui cinématographiquement, a déjà été portée à son point de perfection, il la restitue avec ses ingrédients initiaux, personnages, décors, musique et un thème essentiel de l'univers d'Hitchcock : l'usurpation d'identité. Puis il l'infléchit de manière à lui faire perdre la touche hitchcockienne pour lui substituer l'antidote par l'absurde.
Je me souviens qu'à l'époque, la presse n'avait pas été très tendre envers ce film, et certains fans furieux étaient exaspérés devant ce qu'ils appelaient une bouffonerie dénaturant une oeuvre, mais je trouve que tout ceci est totalement ridicule, Hitchcock lui-même avait ri aux éclats quand Mel Brooks lui avait présenté le film, car ce qui frappe avant tout, c'est l'admiration que voue Brooks au Maître, pour connaître aussi bien un auteur, il faut l'aimer, et c'est justement l'un des plus beaux hommages qu'on pouvait rendre à ce grand monsieur, un hommage qui n'est jamais irrévérencieux, mais toujours plein d'affection.
Certes, il y a parfois un petit manque de finesse, mais cette histoire où la psychanalyse et le vertige tiennent une grande place, et où Mel a comme à son habitude rassemblé un mélange de gags et de mauvais goût (léger cette fois), est un festival inventif où son réalisateur-acteur est déchaîné jusqu'à se payer un délirant numéro de crooner dans un night-club avec la chanson "High Anxiety", et pour lequel il a réuni une partie de sa bande d'acteurs fétiches comme Madeline Kahn, Cloris Leachman, Harvey Korman et ses 3 co-scénaristes Ron Clark, Rudy DeLuca et Barry Levinson qui tiennent de petits rôles.