Voici le premier film que j'ai vu en 2018. Et autant dire que je l'attendais avec impatience. D'une part son réalisateur n'est autre qu'Aaron Sorkin, qui est l'un des scénaristes les plus connus et talentueux de notre génération (The Social Network, Steve Jobs, La Guerre selon Charlie Wilson et les séries The News Room et A la Maison Blanche). Donc on a un film sur le poker réalisé par un scénariste reconnu avec Jessica Chastain au casting. Salade, tomate, oignon. Résultat ? Un film pas aussi bien que prévu mais quand même sympathique.
La réalisation selon Sorkin
Pour une première réalisation, c'est prometteur. Il n'y a pas un style Aaron Sorkin dans la réalisation mais le film évite le piège d'être fonctionnel, en proposant quelques idées de mise en scène. On est très immergé dans le monde de Molly Bloom et du poker. Mais là on s'interesse plus aux joueurs qu'au jeu lui-même, même si les parties sont suffisamment clairs pour qu'on suive. L'alternance entre le passé et le présent de Molly sont plutôt bien gérés et on arrive à être intéressé aux 3 temporalités (même si son enfance est à peine esquissé. Mais bon c'est quand même bien traité). Mon seul problème avec la réalisation est qu'elle n'est pas régulière tout le long. Il y a parfois des scènes qui ne sont que fonctionnelles alors que la plupart sont vraiment bien faites et inventives. Il a des idées de mise en scènes parfois bien trouvées mais globalement, le film ne semble pas prendre assez de risque. On a beaucoup l'impression que le film ne va pas aller plus loin que son scénario et faire scrupuleusement ce qui est écrit, quitte à de temps en temps sortir des sentiers battus. Cependant, le principal intérêt sont les personnages qui sont très bien écrits et développés.
Jessica mène le jeu ?
Encore une fois, on retrouve Jessica Chastain dans le rôle de la femme forte et dominatrice. Mais contrairement à Miss Sloane, elle n'est pas foncièrement cynique et dépeint une Molly Bloom assez maternelle bien que qu'elle tire tente de tirer son épingle du jeu. Du coup elle est plus proche de ses personnages de l'Affaire Rachel Singer , Zero Dark Thirty ou Interstellar que de Miss Sloane ou Crimson Peak. Cela dit, le personnage est très attirée par l’appât du gain et la réussite après sa seule et unique défaite.
Charlie Jaffey (Idris Elba) est un procureur qui est devenu l'avocat de Molly, essayant de la comprendre et aussi aimant sa fille. C'est même très visible. Lui aussi essaye de comprendre comment une femme qui avait tout pour réussir se retrouve dans cette situation et ainsi percé sa personnalité complexe. Assez étonnant de la part d'un personnage qui de base ne voulait pas la défendre. Il y a pas mal d'interactions entre eux plutôt marrantes (comme la première scène du tribunal) et il adore sa fille.
Larry Bloom (Kevin Costner) ,le père , psychiatre et entraîneur de Molly. Ils ont une relation assez difficile et compliquée du à son exigence et ses secrets. Cependant, au fond de lui il l'aime vraiment et la soutien.
Dean Keith (Jeremy Strong ) est son premier employeur qui employait Molly et l'initia au monde du poker clandestin mais qui a senti qu'elle se faisait bien plus d'argent avec ses partis. On ne le voit qu'au début du film mais son personnage n'avait pas besoin d'être plus développé que ça.
Un personnage que j'aime bien : le Joueur X (Michael Cera), il s'agit d'un personnage composite de plusieurs acteurs comme Tobey McGuire, Leonardo Di Caprio et Ben Affleck. Il est assez cool dans sa manière candide et aussi parce que c'est un gagnant né. Cependant, lui aussi délaissera Molly parce que cette dernière a vu clair dans son jeu.
Bad Brad (Brian d'Arcy James qu'on a vu dans Spotlight) est un personnage sympathique en bon perdant (du niveau de Tsunade), mais c'est aussi un homme d'affaire du style Madoff.
Douglas Downey (Chris O'Dowd ) est lui le joueur amoureux transi face à une Molly qui a toujours joué les inaccessibles.
Les autres personnages n'ont que peu d'importance (même la mère de Molly qui intervint peu), mais on sent à travers eux une bonne progression de l'univers de Molly qui devient de plus en plus chic et de plus en plus dangereux.
Elle sait quand s'arrêter
Le Loup de Wall Street au féminin dit le slogan. A...les publicités. En effet, le film n'a pas grand choses en commun avec Jordan Belford. Si on doit se rapprocher d'un rôle de Di Caprio, c'est plutôt son rôle de Arrête - Moi Si tu Peux, tant les personnages sont similaires. Le film nous raconte l'histoire d'une femme venant d'une famille de génies et surtout de winner qui pour une défaite au ski a vu sa destinée déviée et décide de devenir maître de son avenir. Ainsi on comprend mieux pourquoi elle était plus attirée par l'argent facile dans la gestion de Poker Clandestins que par des études de droits. En effet, si on regarde bien, la vie de Molly est une partie de Poker où elle veut toujours avoir la main gagnante. Et comme le Poker, cette vie va peu à peu l'empoisonner , ce qui l’amènera à être en contact de personnes de plus en plus corrompus et de plus en plus dangereux. C'est le cas où on voit que si dans les jeux du hasard la banque gagne toujours, c'est loin d'être le cas dans la vie de Molly Bloom. Le point de rupture arrivera lorsque que sa vie qui était une drogue au sens figurée deviendra une drogue au sens propre. Tout basculera lors de la publication de son livre où beaucoup la considéreront comme une menace. Le film est parfaitement raconté malgré le changement de temporalité et quelques longueurs. Je ne critiquerai pas la fin assez surprenante parce que , c'est ce qui s'est passé dans la vraie vie, mais il est dommage qu'on ne sait pas se qu'il l'a poussé à publier son histoire. Bref, il y a un grand hiatus que le film ne comble pas, ce qui est assez frustrant. Un peu dommage vu une histoire assez intéressante mais assez loin du Loup de Wall Street, alors qu'il joue presque sur le terrain du Rise And Fall.
La Banque Gagne Toujours
En bref, ce film est très intéressant mais je trouve qu'il aurait pu être mieux. Cela dit, j'aimerai voir un peu plus du Aaron Sorkin réalisateur car il a le potentiel de faire de grands films, lui qui n'a été que scénariste jusque là. En clair, premier film, premier succès (quoique pas tant que ça vu qu'il n'a rapporté que 6 millions de + que son budget). hâte de voir la suite de sa carrière.