Après l’échec (injustifié) de Barton Fink et aidés par leur comparse Sam Raimi, les frères Coen réalisent une comédie déjantée aux antipodes de leurs précédentes œuvres, plus proche de Arizona Junior que d’un polar hitchcockien où un jeune diplômé en droit fraichement employé comme expéditeur du courrier dans une grosse entreprise devient en un éclair le grand patron. Manipulé par les cadres qui voient en lui le parfait pigeon, l’ingénu va pourtant réussir à commercialiser une invention qui lui trotte depuis longtemps : le hula hoop.
Premier script des Coen ayant attendu sagement un producteur friqué, Le Grand Saut bénéficie du plus gros budget loué aux frangins, et du premier film à obtenir de réelles stars connues du grand public comme Tim Robbins, Jennifer Jason Leigh et Paul Newman. Fortement inspiré par les œuvres de Frank Capra, Fritz Lang et les piliers de la screwball comedy, le long-métrage dépeint un New-York fourmillant, avec ses personnages délurés et ses gratte-ciels expressionnistes, décors fabuleux pour une histoire fantastique d’ascension sociale grinçante. Pourtant, à l’image de Arizona Junior, la patte de Sam Raimi (ici co-scénariste et réalisateur de seconde équipe) se fait bien plus sentir que celle des frangins, que ce soit la composition des cadres, les mouvements de caméras cartoonesques ou l’utilisation d’effets spéciaux, les Coen prodiguant quant à eux leurs personnages atypiques et leur humour férocement noir.
Variante évidente de L'Extravagant Mr Deeds ou La Vie est belle, entre autres, les références à Capra étant nombreuses, Le Grand Saut reste une comédie faussement biographique portée par des acteurs en totale roue libre, un film touchant par moments, drôle à d’autres et non dénué d’un certain savoir-faire mais peine fortement à s’inscrire dans la filmographie pourtant éclectique des réalisateurs américains et restera leur plus gros four au box-office. En reste aujourd’hui l’un de leurs films les moins personnels mais également l’un des plus déjantés, assurément.