Après mon instant Cannes 2024 (doc Harvey Keitel, « Apocalypse now », « Pulp fiction » et « Entre les murs »)(voir mon commentaire de ma critique du dernier film cité), une quinzième finale de Ligue des Champions remportée par l’inébranlable Real de Madrid (2024 : l’année de Vinicius Jr qui a aussi sonnée la retraite en club de Tony Kroos -très belle fin de carrière, assurément !), mon western qui lance désormais ma saison estivale (« Pendez-les haut et court », l’expéditif eastwoodien mortifère à souhait -pour plus d’infos, lire ma critique), et enfin mon concert hommage à Johnny (pour ses 81 ans qui aurait eu lieu le 15/06/24 -déjà !--et qui fait aussi office de fête de la musique anticipée !-, j’ai décidé de (re !)visionner le Pavillon de Paris 1979 : « L’ange aux yeux de laser » fortifié d’un début à la « Star wars », d’un « Sauvez moi » mythique -Johnny enlevé par les Grands Faucheux !-, d’un final endiablant -« Rien que 8 jours »/« Carole »/« Old time Rock & roll »-, en un mot, un authentique concert rock and roll des 70’s à l’effigie de notre rocker national), l’Euro peut enfin débuter (tous les lauriers seront pour Deschamps pour qu’il gagne cette compétition qui lui manque en tant qu’entraîneur) en ce vendredi 14 juin.
Etant donné que le 6 juillet les seconds quarts de finale de l’Euro battront leur plein, mon film hommage Morricone ne pourra avoir lieu en 2024. J’ai donc décidé, quatre ans après son décès, de concentrer mon cycle western de fin d’été sur les partitions du Maestro. Mes westerns pris pour cible ? « Pour une poignée de dollars », « Colorado », « Le dernier face à face », « Le grand silence », « Companeros » et « Il était une fois la révolution » (un mix entre les trois Sergio quand on regarde ça de plus près -rien qu’à lire cette liste, j’en frissonne déjà d’avance !).
Tout d’abord, en ce 14/07/2024, l’Euro s’est terminé par une victoire logique de l’Espagne face à l’Angleterre de Gareth Southgate. Une Espagne très fortiche et qui a même supplanté notre équipe de France : no comment… !
Ce qui m’avance à mon étape suivante, mon cycle James Bond. Cet été, « Goldfinger », « We only live twice », « Live and let die », « Octopussy », « Die another day » puis « Spectre » hanteront mes digestifs et particulièrement ma vodka pure ou ma vodka glace. Monsieur Bond, il est temps pour nous de nous retrouver !
« Goldfinger », qui a révolutionné le cinéma d’espionnage, reste cet objet charmant, classieux et authentique : un ‘James Bond’ en bonne et due forme doté d’un Gert Fröbe (« Ca s’est passé en plein jour », « Le diabolique docteur Mabuse », « Ludwig ou le crépuscule des dieux »...) puissant et super en mégalomane face à l’iconique Sean Connery.
« On ne vit que deux fois », l’un de mes ‘James Bond’ préféré, nous montre l’affrontement Connery-Pleasence (ce dernier dans le rôle de l’infâme Blofeld) dans un Japon surprenant rythmé par l’inusable bande-son de John Barry et la réalisation virevoltante de Lewis Gilbert : du pur bonheur à l’état brut. D’autant que Charles Gray est également présent avant sa composition de l’ennemi bondien dans « Les diamants sont éternels ». De quoi ravir nos yeux de lave… !
« Vivre et laisser mourir », seul ‘James Bond’ aux accents vaudou, restera cet opus kitschissime à souhait doté d’une course poursuite en hors-bord cultissime à souhait et d’une Jane Seymour (« Sinbad et l’œil du tigre », « Quelque part dans le temps », la série « Docteur Quinn ») glamoureusement chic qui forme avec Roger Moore un solide duo. « Say live and let die... »… !
« Octopussy », le ‘007’ le plus culte de tous les temps, possède des course-poursuites automobiles jubilatoires réglées par le frenchie Rémy Julienne et d’une mise en scène d’un certain John Glen (réalisateur-clé qui peut se vanter d’avoir signé le plus de ‘James Bond’ !) qui mise tout sur l’action : un Roger Moore (formant un duo étincelant avec Maud Adams, par deux fois ‘James Bond girl’ !: « L’homme au pistolet d’or », « Octopussy ») charmant et classieux. «...all time high…» !
« Meurs un autre jour », le dernier authentique ‘James Bond’ à mes yeux, avec sa part d’américanisation (voir ma critique pour en savoir davantage) à travers ce blockbuster jouissif à souhait, est ce dernier opus avec Pierce Brosnan, certes pas à son meilleur, qui partage l’affiche avec une Halle Berry (« Le dernier samaritain », « Ultime décision », « Catwoman ») qui s’affine avec le temps. Que demander de plus ? Une Madonna et une vodka !
« Spectre », le ‘James Bond’ le plus classieux de l’ère moderne nous replongeant dans l’enfance de l’agent double (incarné par le raffiné Daniel Craig), reste un ‘007’ finalement divertissant qui possède une très belle course-poursuite dans les rues de Rome ...et le Tibre, et d’une belle interprétation de Christoph Waltz et de la divine Monica Bellucci. James Bond, pour l’Angleterre !
Après mon immersion bondienne, voici que se profile mon cycle western 2024 (où je vais davantage parler musique -j’espère !-, en hommage au Maestro).
« Pour une poignée de dollars », LA révolution du western inventée par Sergio Leone à laquelle Sergio Donati, décédé il y a peu, refusa de participer (scénariste italien collaborateur pour Leone, Sollima, John Irvin, Josée Dayan… !), a bien changé la face du western classique américain pour devenir le western européen que l’on connaît tous aujourd’hui, et ce, avec ces sons de fouet et de trompettes moriconiens pour ce premier opus qui a propulsé Clint Eastwood star internationale.
En ce 18/08/2024, j’ai appris le décès de notre dernier monstre sacré : Alain Delon. S’est incrustée alors dans mes westerns une soirée Delon particulière avec « La piscine », sublime drame passionnel, charnel et méditerranéen.
« Colorado », vu pour la première fois en director’s cut en version italienne sous-titrée en français, restera ce chef d’œuvre fastueux et monumental du western all’italiana caractérisé au niveau musical par les trompettes de la mort moriconiennes, les chœurs lyriques envoûtants typiques du compositeur et LE duel final hors du commun doté de « La Lettre à Elise » enveloppée des partitions électriques du Maestro. Sublime !
« Le dernier face à face », vu pour la première fois en version longue (sous-titrée en français pour les parties coupées), est toujours ce chef d’œuvre inoubliable et implacable du western socialiste sous couvert d’une tragédie libertaire politico-fasciste (avec l’antagonisme Volonte-Milian), soit la magnificence du western à l’européenne. Merci Sergio Sollima ! Niveau musique, les guitares électriques sont frénétiques et nerveuses mais intimistes et pourtant si abrasantes (un subtil mélange de mélancolie et de banditisme) ; les chœurs, lyriques et passionnels, envoûtants qui nous transcendent. Des partitions moriconiennes uniques, stylistiques. Western !
Et voici « Le Grand Silence », quatrième western de mon cycle 2024 : c’est la deuxième fois que je le regarde. Ma première (l’année dernière) a été un choc cinématographique indéniable.
Par ce revisionnage, je l’ai vu pour la première fois en version originale sous-titrée en français. Le choc est aussi immensément saisissant !
Septième western du réalisateur Sergio Corbucci -après « Django », « Navajo Joe » (avec Burt Reynolds) et « Les cruels » (Joseph Cotten y tenait l’affiche) notamment-, « Le Grand Silence », coproduction franco-italienne tournée en Italie (dans les Dolomites et à Rome), est donc ce western original et atypique délaissant les codes imposés au genre, un à un.
Au ressenti et à la sortie du visionnage, je peux dire qu’il s’agit d’un W âpre, rude, rugueux et mutique. Olé !
Synopsis : Utah, durant l’hiver rigoureux de 1898. Dans un désert de neige, Silenzio, un chasseur de primes, est pris en embuscade par un groupe de tueurs. Il s’en sort grâce à l’intervention de fermiers qui se sont mis hors la loi en pillant des villages. Dans un même temps, Tigrero, un autre chasseur de primes, survit tant bien que mal en tuant les ‘recherchés morts ou vif’, les fameux hors-la-loi et autres paysans devenus pilleurs de villages. Silenzio et un nouveau shérif vont s’opposer à un massacre.
Le scénario (de Sergio et de Bruno, les fameux frères Corbucci ...à la ville comme à l’écran !), bien foutu et faisant couler du sang, est jubilatoire dans le sens où il n’y a aucun découpage hasardeux. Il est très bien armé et calibré, comme le pistolet-mitrailleur de Silenzio.
Hors convention bien entendu car se déroulant en des contrées désertique neigeuses et silencieuses. La neige a remplacé le sable du désert et entoure à merveille le héros qui se retrouve finalement pris pour cible dans cet environnement sauvage, sombre et boueux. Et surtout neigeux. Le récit en est ainsi d’autant plus complexe.
Pour commencer, le générique de début est dantesque : Silenzio dégaine uniquement lorsqu’il est mis en joue. Il abat froidement (c’est le cas de le dire !) quatre bandits qui l’ont pris au piège avant de continuer son chemin, dans la neige. Arrive les mélopées moriconiennes avec ce générique original et épuré qui s’octroie le plaisir d’avoir des lettres de couleurs jaunes ressortant de la pellicule avec ses paysages enneigés. Tous mes chapeaux, Monsieur le réalisateur.
La musique, donc, est d’Ennio Morricone, Maestro qui a travaillé avec les Montaldo, Verneuil, Tornatore, Petri… .
L’une des plus belles bandes originales du western européen de la part du compositeur italien, ici encore et toujours assisté à la direction d’orchestre par Bruno Nicolai (qui a ensuite collaboré dans les 70’s pour Nadine Trintignant sur « Défense de savoir » parmi tant d’autres).
Les guitares très intimes sont appuyés par des violons mirobolants. Le thème flûté suivi des grincements morriconiens typiques apporte un sentiment d’évasion inéluctable. Les trompettes de la mort enneigeuses et embrumées, s’imposent, tout en douceur.
Les partitions neigeuses vont à l’envoûtement général, ce qui nous amène à comment nous faire frissonner comme sur « Il était une fois dans l’Ouest » : musique vivifiante, apaisante et immersive.
La bande sonore, languissante et émotionnellement désenchantée, nous prend aux tripes. Ennio nous invite à une balade mortifère donnant un supplément d’âme au « Grand silence ».
En découle une atmosphère baroque, mutique et hypnotique : un condensé d’air sale et chaud sur un terrain enneigé. Très bel antagonisme de la part de Corbucci -l’assistant de Roberto Rossellini à ses débuts.
Nous avons ainsi affaire à un western d’atmosphère allié à une image embrumée et embrumeuse.
L’image est léchée où face pellicule la photographie via le chef opérateur Silvano Ippoliti (qui aura travaillé pour les plus grands : Aldrich, le réalisateur du « Spécialiste » -avec Johnny !-, Montaldo, Deray, Tinto Brass), sous couvert de tons chauds et abrasifs, suit le fil de l’histoire, et alliée au montage, nous fait avancer vers un univers progressiste, anxiogène et totalitaire.
Le résultat de tout cela, c’est une aura mystique planant sur « Le grand silence », d’une beauté esthétique et plastique à couper le souffle. Silenzio !
Une expérience filmique impressionnante de réalisme. Excellentissime maître Corbucci !!
Du côté du casting, la distribution est subtile et brute de décoffrage. Les acteurs sont tous au diapason avec ces gueules cassées embauchées par le metteur en scène du chef d’œuvre baroque « Django ».
Jean-Louis Trintignant (trogne monumentale du cinéma français : « Et dieu créa la femme », « Z », « Le fanfaron » de Scola, « Un homme et une femme », « Vivement dimanche », « Trois couleurs, rouge », « Amour »...) rivalise avec les Eastwood et Franco Nero. Il y a eu ‘le Bon’, ‘Django’, et maintenant, je peux ajouter Trintignant. Un charisme à toute épreuve. Mutique, intraitable, silencieux, inarrêtable. Il est la bête noire des bandits, le justicier muet des bourgeois. Corbucci en a fait un héros solitaire bienveillant alors qu’il pourrait être pourri jusqu’à la moelle. Appelé Silenzio « car après son passage, il ne reste plus que le silence et la mort » (entendu dans le film), Trintignant est ce tire-gâchette plus rapide que son ombre. Une interprétation majuscule, hors du commun. Et un personnage très bien travaillé. Il n’y a rien à redire… !
Klaus Kinski (débutant sur les planches dans des pièces de Cocteau et ensuite au cinéma sur « Le docteur Jivago » puis « Et pour quelques dollars de plus », il devient ensuite l’ami herzoguien sur « Aguirre »), tout en sobriété, le plus cruel et abominable des pistoleros, avec son sourire diabolique et ses cheveux blonds, apporte un coup de sadisme bienvenu. Il est le traqueur/calculateur sans foi ni loi. Il défend la justice des hommes sans nom bien qu’il se nomme Tigrero. Kinski ou l’aura d’un des plus beaux méchants du western. Whisky !
Luigi Pistilli (« Le bon, la brute et le truand », « La mort était au rendez-vous » de Petroni, « Cadavre exquis ») et Frank Wolff (« Le procès de Vérone », « Il était une fois dans l’Ouest », « Pancho Villa ») complètent ce casting hétéroclite, méditerranéen. L’un est devenu un banquier crapuleux, le second un shérif sympathique qui entend faire sa loi à Snow Hill malgré les réfractaires de la ville.
Notons également la présence de Mario Brega (engagé par Leone sur la ‘trilogie du dollar’, il a terminé sa carrière sur « Il était une fois en Amérique ») au générique.
J’en arrive à la mise en scène.
Elle se fait moribonde et pourtant épurée et flamboyante, à s’en faire briser les os !
Le montage est fluide et épuré, coulant comme le sang des recherchés morts ou vifs que les chiens galeux ont tués.
La mise en scène du réalisateur du « Fils de Spartacus » et du « Mercenaire » qui peut paraître bas de front est néanmoins brutale, mutique mais totalement autoritaire qu’elle en devient envoûtante au diapason des notes moriconiennes. Un bel as gagné de la part de Corbucci qui filme les grands espaces comme jamais. Joker !
Le metteur en scène de « Massacre dans le grand canyon » (son premier W), tourne un western macabre à n’en pas douter ! Un drame sombre et envoûtant… .
Concernant le final, la morale est corbuccienne à souhait : pour s’en convaincre, regarder « Le grand silence » en entier !
La séquence finale -violente et d’une cruauté glaçante !- inoubliable et sublime et qui nous laisse de marbre doublé du générique final qui, sous fond bleu et le thème général du Maestro, a l’art de nous apaiser et de nous faire digérer la lente agonie de la mise en scène noire et baroque du réalisateur.
Sergio Corbucci a ici fabriqué un western baroque, mutique et mystique qui possède une identité propre.
En découle une fable moralisatrice sur les desseins immoraux des hommes, thème très corbuccien qu’on retrouve allégrement dans toute sa filmographie, et particulièrement ses westerns.
Pour toutes ces raisons, le réalisateur de « L’homme qui rit » et du « Pot de vin » signe et soigne un western mythique sous couvert d’une pression politique et sociale italienne des 60’s, les fameux mouvements contestataires perçus dans ce pays à cette époque (contestation étudiante, lutte des travailleurs) juste avant les non moins connues ‘années de plomb’.
Pour conclure, « Il Grande Silenzio », de son titre original, sorti en janvier 1969 dans les salles françaises, équivalent d’un « Il était une fois dans l’Ouest » léonien et unique western avec Jean-Louis Trintignant, perdurera comme étant cette tragédie anarchiste baroque et néo-crépusculaire et LE western rare et mythique de Sergio Corbucci, le dernier maître européen du western transalpin.
Chef d’œuvre monumental et incontournable du western et du septième art pour un classique du western all’italiana.
Accord parental souhaitable.
Spectateurs, la mort ne vaut pas la peine d’être vécue si on ne la vit pas comme un rêve… ! (pastiche avec le mot ‘vie’ d’un dialogue du ‘James Bond’ « Le monde ne suffit pas »).