Le film est d'une grande force derrière son aspect de comédie. Il livre un message fort parce que réel, poignant et criant de vérité. On peut y voir le rejet de la norme, la défaite face au système, les licenciements qui tournent mal, la manipulation aussi. Une société tellement normée qu'elle pousse surement à l'inhumain (le patron qui s'acharne à filmer son ancien employé au plus bas de sa déchéance, de son désespoir).
" Il y en a qui ne sont pas de taille à résister à la crise" oui mais, il y en a surtout qui sont de taille à résister à la vie malgré tout et c'est le cas de ces deux frères, superbement interprétés par les deux acteurs Poolvorde et Dupontel. Not et Dead affrontent ensemble leur choix d'une liberté, alors même qu'être différent, rejeté et simplement libre n'est pas facile comme le confira "Not" dans un appel à la révolte manqué mais bouleversant.
Les plans des personnages qui, simplement, marchent, les trouvailles sur la mise en lumière (flippante) de l'observation via video surveillance ou encore la grandiose mise en scène , au début du film, de l'absence de communication, est aussi drôle que pleine d'une réflexion qui est nécessaire.
« Le grand soir » est donc un film qui pointe ce désengagement humain des grands espaces commerciaux (une des forces du film est la trouvaille du lieu, vaste zone commerciale qui devient comme un huis clos).
Le film a donc des apparences trompeuses et réjouissantes de comédie qui derrière cache un vrai drame, celui d'une société. Les deux réalisateurs sont justes et au delà de la mesure (ils refusent les termes de « déjantés » et « potaches », nous les éviterons donc !). Cela laisse un goût amère que ce grand soir manqué pour les deux frères mais un message positif "not/dead", une « sorte de soyons dans la vie » version punk.
Mentionnons également les seconds rôles : les parents (Brigitte Fontaine en tête dans un rôle déstabilisant pour le spectateur) et le chien (haha). Ainsi que la B.O, les Wampas bien entendu et tous les rêves punk de nos deux « héros » ainsi que la reprise de Brigitte fontaine (et l'harmonica, sorte de fil directeur du film, du regretté Alain Bashung)
On a envie d'agir, de faire pleins de choses quand on sort du film. Et cela prouve une chose, en France, on est capable de faire des comédies démesurées, humaines et intéressantes parce qu'encrées dans la vie, dans son combat et dans cette population perdue, délaissée qui tente de rejeter une société tout en ayant besoin d'elle (financièrement), de ceux qui ont compris que seule la provocation peu réveiller même s'il y a encore beaucoup de chemin à faire car le plus flagrant et le plus vrai et troublant de ce film c'est que l'indifférence s'enracine dans nos vies. Et nous ne sommes visiblement pas encore prêts à mettre le feu (l'immolation de Dupontel et la clotûre « flamboyante » du film) , le changement, c'est vraiment pas pour maintenant !