J’ai une profonde et ancienne affection pour Philip Marlowe qui est, objectivement, tout ce que je ne suis pas. Humphrey Bogart reprend un rôle de dur-à-cuir, très proche de celui qu’il interprétait dans Le Faucon Maltais, le film qui le propulsa au rang de vedette.
Philip Marlowe est la création de Raymond Chandler, qui lui consacre 8 romans et 5 nouvelles de 1934 à 1953. Un mâle alpha hard-boiled, intègre, désabusé, mais, à ses heures, poète et philosophe.
Marlowe est un personnage de polar, qui se distingue du détective et du héros de thriller. Le premier enquête, collecte ses indices et joue de ses cellules grises. Le second lutte pour survivre, pourchassé à la fois par les bons et les méchants. Marlowe ne court pas. Ses interrogatoires sont rapides, il sidère ou séduit. Marlowe est un privé qui défend les intérêts de son seul client. Le scénario ne compte guère. Recruté par le général Sternwood pour protéger sa fille aînée, il débusque un maître chanteur, en lève un second, pour découvrir la disparition du gendre et homme de confiance du général. Plus important est l’atmosphère et la galerie de personnages, le riche et cynique magnat paraplégique, ses sublimes filles, les maîtres chanteurs veules, les truands costaux, le policier fatigué et une ribambelle de jolies filles, libraire, secrétaire ou taxi-girl, toutes fascinées par Bogart.
Puis, il y a Lauren Bacall. L’ainée des Sternwood, orgueilleuse, amorale, indépendante, sûre de sa puissance, prête à tout pour protéger sa sœur. Elle minaude, menace et séduit. Tout de sous-entendus sexuels, les dialogues et la direction de Howard Hawks sont parfaits. Bogart saura résister à ses avances – il ne couvre pas un crime – mais acceptera une transaction, dans l’intérêt de son seul client.