Un film à la limite de l'expérience auditive, sensorielle et mystique... Un mélange pour les références entre "Aguirre, la colère de Dieu", " Le nouveau monde " et "Conan le barbare"... Pas de gonflette en salle de musculation avec coach gonflé aux stéroïdes par contre pour le personnage principal. Quelques tatouages parsèment son corps, son œil gauche est crevé et ses mains sont des armes naturelles faites pour tenir hache, épée ou bâton... En face, autour de lui, juste des hommes déterminés ou fous, ou les deux à la fois, perdus au milieu d'eux même et d'une nature humide et froide , écrasante, naufragés ,malgré eux au milieu d'un temps comme suspendu mais finissant ( le monde païen ) et d'un autre à découvrir ( la future Amérique du nord ), En fond temporel un christianisme conquérant et impérialiste qui se lance à l'assaut des autres sans vergogne et sans répit. Presque pas de dialogues, pas de voix humaines , des grognements, des souffles, des bruits, des os qui craquent, presque des odeurs de boue pas encore sèche que l'on sent par nos nasaux affolés, une gestuelle réduite au minimum pour des combats aussi brefs que déroutants et sordides. Une violence sèche, répugnante et viscérale nous est exposée sans filtre .Rien ne nous est épargné de la pitoyable descente aux enfers d'un groupe d'hommes , pionniers malgré eux d'un nouveau continent, d'une nouvelle époque , d'une nouvelle planète. Rien n'est esthétique dans ces rixes barbares qui opposent un esclave aveugle d'un œil et muet ( one-eye ) dont on ne sait rien , si ce n'est que ses geôliers de départ sont d'abord des guerriers, amusés par leur champion en cage, puis déboussolés lentement par un temps et un homme qui les dépasse... Lorsque One-Eye, Le Borgne
sous-entendu ODIN Dieu des esclaves, des morts, de la guerre et du savoir notamment
les aura tués, il ira à la rencontre d'une bande de Chrétiens en partance pour Jérusalem et une repentance ornée de richesses à conquérir. L’Écosse du départ va laisser la place après un lent voyage sur une mère inconnue à un monde mystérieux et totalement inconnu de cette race d'hommes. Le monde peint sous nos yeux par une caméra lymphatique est marron, vert sale, parsemé de songes rouges et ocres, fruits de l'âme ancienne et prophétique du borgne... Le guerrier silencieux va retrouver totalement sa nature indomptable au fur et à mesure de la perdition morale et physique de ces évangélistes rencontrés après sa fuite avec un enfant. Seul celui-ci l'écoute dans ses silences, traduit ses pensées, seul à le comprendre et à deviner ses visions prémonitoires ou presque. Les sons décuplés par l'infini d'un monde plus vaste que prévu et sans limites perceptibles vont précipiter tout ce groupe dans l'impiété, la sodomie, le doute sur un paradis édénique et son Dieu gardien ou dans un radicalisme zélote. Sauf pour le borgne muet ... Cet univers nouveau, l'Amérique du nord, découvert par hasard et que personne ne peut ni comprendre ni mesurer dans son immensité vierge, va servir de révélateur mais en négatif à une photo déjà très sépia, bleutée et orangée de ce récit presque mythologique. Un homme silencieux devient lentement , aidé en cela par l'accélération d' événements cauchemardesques, une entité primitive et violente qui va détruire la foi toute fraîche de vikings convertis au Christianisme... Les Chrétiens nouvellement conquis par un fils de Dieu dont ils ne comprennent rien du message pacifique et miséricordieux vont trouver en face d'eux le visage de leur sauveur tant cloué sur la croix, mais pas vraiment celui auquel ils pensaient.
C'est un dieu nordique impitoyable, Odin le borgne est là, silencieux et impavide revenu parmi les siens et prêt à se sacrifier pour sauver celui qu'il a choisi et qui lui, ne doit pas mourir et qui redonnera vie aux anciens cultes.
Un voyage au bout du "rien", comme celui qu'effectuait le dernier cosmonaute dans " 2001, l'odyssée de l'espace" à travers le cosmos et les trous de ver... Un voyage le long du fleuve noir de la folie de Joseph Conrad mais sans confrontation avec le colonel Kurtz et son apocalypse , plutôt avec une armée ancestrale d'indigènes armés jusqu'au dents comme dans un cauchemar aguirrien qui offrira enfin le Walhalla au taiseux à l’œil unique. A déconseiller aux amateurs de dialogues pré-calibrés avec un bon mot à la minute, aux habitués de "sitcoms" avec rires pré enregistrés scandant chaque saillie verbale et à ceux qui pensent par exemple que Will Smith par exemple est vraiment "trop cool" parce qu'il parle avec un débit de mitrailleuse en roulant des yeux globuleux et en disant "mother fucker" toutes les dix secondes, tout en avouant à sa fille qu'il l'aime chaque matin après le bol de céréales au lait en poudre avec céréales aux OGM classique entre deux bénédicités...
Finalement, chacun trouvera sa propre explication ou pas à ce lent cauchemar d'images et de sons, à la limite de l'expérimental "Malickien"...
J'y ai trouvé un sens et une symbolique, mais libre à vous d'y prendre ce que vous y comprenez... Ce film demande juste du temps et de l'attention pour arriver à se couler dans ce conte pour adultes.
Lecture recommandée pour le plaisir après le film; " Éloge de la lenteur " et " Au cœur des ténèbres "