Non ce pays n'est pas pour les hommes, il est pour ceux qui les regardent mourir de leurs mains ...

Un film sans musique et sans pathos. Un film d'une noirceur prosaïque magnifiquement servi par un Javier BARDEM ( Chirgurh ) assassin professionnel effrayant de lourdeur physique. Un film impressionnant, sombre empli d'un pessimisme humain très profond et salvateur. Les acteurs ( Josh Brolin silencieux et carré, Tommy-Lee-Jones vieil officier de police dépassé par l'univers qui s'ouvre sous ses pieds et extrêmement malin, Woody Harrelson assassin et tueur désabusé tout en ironie fataliste ) sont tous extraordinaires, sans sur-jeu, sans ego à démontrer.
Chaque être joue sa partition sans affects, sans afféteries,
tout au long d'un récit foisonnant d'odeurs macabres et de dangers invisibles.
Le roman de Cormack Maccarthy est superbement adapté par le duo des Coen en forme léonienne. Un film dur, dérangeant dans sa volonté de ne laisser aucun espoir au bien et déstructuré de plus en plus au fur et à mesure de son avancée heure par heure, nuit après nuit, jour après jour, dans une Amérique des années 80 cannibales. Ellipses de plus en plus béantes, gigantesques , temporelles et spatiales, dédain total pour une vision manichéiste des vivants et des morts, silence assourdissant et absence quasi totale de composition musicale à l'oreille nous laissent à l'issue d'un dénouement machiavélique et incroyablement pervers sur le derrière. Personne ne s'attend à cette fin détestable au départ et finalement tellement ironique et bien dans l'esprit du livre et du film. Il faut l'accepter comme telle et en jouir même si on a l'impression que le monde se dérobe sous nos pieds à ce moment précis.
Quand au tueur qui va devenir le caractère principal de l'histoire, que dire ? On reste coi, abasourdi, paralysé par tant de haine et de force réunies en une seule identité, tellement presque ridicule d'aspect. Ah, cette coupe moinesque qui revêt le crâne impavide de toute crainte du terrible tueur fou nommé Chirgurh.
Mais est-il vraiment fou cet assassin qui va jusqu'au bout de son métier, de sa mission, de son salaire à gagner?
"les gens disent toujours la meme chose
-Quoi?
-vous n'êtes pas obligé de me tuer"
( Le tueur Chirgurh à une de ses futures victimes )
La vérité oblige à dire que il serait bien arrangeant de déclarer comme le lui dit la seule femme du film avant de mourir de ses mains hors caméra qu"il est complètement fou ", mais je crois qu'il n'est que la face opposée du monde que l'on nous tend chaque jour.
Il est la violence gratuite qui tue les avides de l'argent, violence symbolisée par un corps pesant et une face bovine dotée d'un regard d'une noirceur infernale. Quand il fait tirer à pile ou face avec une pièce de monnaie de 1958, la vie , la mort de certains des pauvres hères croisés, il montre là qu'il n'est rien finalement, rien qu'un Moloch, cette divinité avide de sacrifices humains dans l'ancien testament, une idole faite de la terreur qu'il inspire et de sa quasi insensibilité à la douleur des uns ou à la sienne . Et vous n'êtes rien de plus pour lui qu'un grain de sable qui roule sur le goudron de sa route...Un hasard qui passe, un caillou dans la chaussure sur son chemin vers sa mission. Vous n'êtes rien d'autre pour lui que ça....
Et lui est un outil. Juste un instrument, la faux qui vient faire son travail, ratisser les âmes et parfois les laisser choisir par l'intermédiaire d'un jeu stupide ce qui sera le bien, le mal, la survie ou la mort sans appel et dans l'oubli. Vous êtes les fous qui croyez au dieu Argent, lui est celui qui vous punira inexorablement pour cette faiblesse criminelle.
Chigurh: What's the most you've ever lost on a coin toss?
Proprietor: Sir?
Chigurh: The most. You ever lost. On a coin toss.
Proprietor: I don't know. I couldn't say.
[Chigurh tosses a quarter in the air, catches it, then places it on the counter with his hand over it]
Chigurh: Call it.
Proprietor: Call it?
Chigurh: [sighs] Yes.
Proprietor: For what?
Chigurh: Just call it.
Proprietor: Well, we need to know what we're callin' for here.
Chigurh: You need to call it. I can't call it for you. It wouldn't be fair.
Proprietor: I didn't put nothin' up.
Chigurh: Yes, you did. You've been putting it up your whole life. You just didn't know it. You know what date is on this coin?
Proprietor: No.
Chigurh: 1958. It's been traveling 22 years to get here. And now it's here. And it's either heads or tails, and you have to say. Call it.
Proprietor: Well, look...I need to know what I stand to win.
Chigurh: Everything.
Proprietor: ...How's that?
Chigurh: You stand to win everything. Call it.
Proprietor: All right. Heads, then.
[Chigurh removes his hand, revealing the proprietor made the correct call]
Chigurh: [suddenly] Well done! [flicks the quarter to the proprietor] Don't put it in your pocket.
Proprietor: Sir....?
Chigurh: Don't put it in your pocket. It's your lucky quarter.
Proprietor: Well, where do you want me to put it?
Chigurh: Anywhere, not in your pocket. Where it'll get mixed in with the others and become just a coin...which it is.

Non ce film n'est pas pour les jeunes gens qui pensent que les billets de banque rendent la vie moins mortelle , ni pour le vieil homme qui ne comprend plus le monde en route, ni pour les hommes et les femmes emportés par la tourmente de cette histoire qui les dépasse et de très loin. Les anciens Dieux païens sont morts OU oubliés , le Dieu des monothéistes s'est suicidé depuis longtemps et ses prophètes cherchent le meilleur placement pour leurs billets verts. Le monde se fissure sous les coups de boutoir des bulldozers et du béton. La planète nous rejette comme un cancer en phase terminale mais nous restons sourds et infantiles.
Ce monde est pour les habitants d'un monde déjà connu, déjà ancien, déjà disparu mais réapparu, qui changera peut-être mais pas tant que ça, pour des êtres déjà expérimentés ou du moins suffisamment dépourvus d'empathie et de frayeur. Ils vous regardent comme nous regardons ce théâtre d'ombres chinoises et ils s'en amusent ou s'en effarent comme nous. Alors si vous aimez ce film, vous pourrez de votre côté comprendre et mesurer la différence entre le cinéma art et conte d'effroi et développeur d'imaginaires abstraits et la distraction industrielle et conservatrice avec effets spéciaux plus pop corn à volonté, ou tout est montré et démontré jusqu’à l’écœurement de la rétine et des oreilles .
À regarder plusieurs fois afin d'en savourer la douloureuse et persistante douceur au goût de rouille ( le goût du sang ) qui reste sur le palais alors que le générique nous surprend. Chef d'oeuvre qui réussit ce tour de force de s'élever largement au niveau de son récit originel. Exigeant et parfois abscons, ce cinéma là se mérite et se hisse dans votre panthéon personnel à votre insu , une fois le choc passé. Je suis impressionné par tant de force et de richesse dans une imagerie, une photographie somptueuse mais ma foi très simple, pleine de grands espaces du Texas et de sa frontière Mexicaine .
Le genre de film que je pourrai et que je regarde plusieurs fois en y trouvant toujours ce plaisir unique de l'art qui vous touche quoique vous fassiez. Nous verrons l'âge venant si le conte trouble et troublant fera toujours son effet... Une leçon en tout cas.
Citation traduite du film qui servira de conclusion;


“ La lutte entre le bien et le mal n'a pas de fin. Tu peux courir mais tu ne peux t'échapper. Ici-bas, la raison, c'est la folie du plus fort "

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le 28 févr. 2019

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Prosper666

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