Nicolas Winding Refn est décidément un drôle d'oiseau.
Si les thèmes auxquels il s'attaque varient film après film (solitude et spirale infernale dans Drive, complexe œdipien malsain et impuissance dans Only God Forgives ou encore narcissisme, névrose et convoitise dans The Neon Demon), sa façon de les traiter reste globalement la même. Quoi qu'il en soit, on se laisse avoir à chaque fois.
Le film dont il est question, Valhalla Rising, n'échappe pas à cette règle, tant il est, dans un premier temps, inhabituellement déconcertant. En gros, c'est l'histoire d'un esclave muet et borgne entraîné comme une bête de combat, qui après son évasion et le meurtre de son maître de ses propres mains, rejoins une bande de vikings chrétiens qui embarquent pour la croisade en Terre Sainte. Mais une brume épaisse brouille leur trajectoire et l'expédition se retrouve débarquée dans une terre inconnue, inquiétante et particulièrement hostile...
Si l'introduction du film nous a semblé longue et interminable, et s'avère au final ne pas montrer beaucoup d'éléments en rapport avec la suite de l'intrigue, la seconde partie est beaucoup plus intéressante. Emboîtant le pas à une scène de huit-clos très convaincante à bord d'un drakkar, dont on relèvera tout de même quelque invraisemblance
Traverser l'Atlantique avec les moyens d'aujourd'hui, ça prend déjà un certain temps, mais à cette époque et à ce rythme là...?
Une ambiance oppressante se met en place dès lors que les protagonistes arrivent "aux Enfers".
En cela la photographie aide beaucoup, de même que la mise en scène. Plus d'ambiance que d'action, le cinéma de NWR repose principalement sur l'instauration d'une atmosphère particulière. Et en cela, le film est plutôt réussi: nul besoin de musique ou de dialogues interminables, seul un décor adapté (magnifiques paysages d'Ecosse, au passage), quelques plans sur des visages apeurés et une ou deux répliques bien placées suffisent à nous convaincre du malaise qui gagne les personnages au fur et à mesure qu'ils s'aventurent dans cette terre qui semble ne pas vouloir les laisser partir. Le film en devient presque suffocant, oppressant, mais dans le bon sens du terme. On partage le calvaire que traversent ces pauvres diables. On croit au manque de rationalité de l'un d'entre eux, convaincu qu'il s'agit là d'une punition divine. On est hypnotisé, bien que confus, par la séquence où tous pètent les plombs l'un après l'autre, ne sachant plus que faire pour se sortir de cet endroit qu'ils ne tardent pas (et nous non plus) à considérer comme une matérialisation de l'antre du Diable.
La fin, bien que qualifiée d'ambigüe par nombre de critiques, reste claire et simple, tant dans son déroulement que dans sa symbolique. De même, l'on retiendra sans problème la formule maîtresse de NWR, à savoir l'intrigue reposant sur les épaules d'un personnage charismatique, souvent en roue libre par rapport à son entourage: l'excellent et magnétique Madds Mikkelsen, compatriote de Refn (qu'on avait adoré longtemps auparavant dans le rôle du dernier adversaire de James Bond digne de ce nom) endosse ce rôle à la perfection, suivi de près par le tout jeune Maarten Stevenson, véritable révélation. La suite du casting n'est pas en reste; on s'étonnera, non sans une certaine nostalgie, de retrouver entre-autres l'officier suicidaire du Titanic, le papa de Billy Elliot ou encore l'écuyer de Ned Stark.
En deux mots, Valhalla Rising est un film à part, un OFNI qui ne trahit pas la réputation de son créateur, et donc fatalement à ne pas mettre entre toutes les mains. Sacrée expérience, tout de même.