De loin, le plus mauvais épisode

Grand fan depuis 30 ans de l'oeuvre de JRR Tolkien, j'avais été plutôt emballé par la première trilogie de l'adaptation du SdA par P. Jackson.
La seconde trilogie du Hobbit n'a cessé de me décevoir un peu plus à chaque épisode.
Et avec le final, on touche le fond...

A mes yeux, la trame scénaristique du récit du Hobbit ne sert ici que de vague toile de fond. L'histoire elle-même, qui ne fait qu'une dizaine de pages à la fin du roman de Tolkien, est non seulement délayée au-delà du raisonnable, mais transformée, travestie, interprétée de façon souvent outrancière.

Le film en devient un agrégat de scènes d'action et de bataille, sans queue ni tête (de dragon), avec quelques "pauses" comiques ou romantiques qui n'amènent rien à l'intrigue.

Quelques scènes humoristiques saupoudrées ça et là, avec notamment le personnage d'Alfrid qui ne sert absolument à rien dans l'intrigue, n'apporte rien à part faire sourire à ses dépens, et disparaît sans autre cérémonie, sans une explication.

Deux scènes "romantiques", censées illustrer une histoire d'amour complètement téléphonée entre un Nain et une Elfe qui se connaissent à peine et ne passent que très peu de temps ensemble : à peine Kili est-il soigné par Tauriel qu'il doit la quitter pour rejoindre la compagnie des Nains, elle le retrouve en pleine bataille, juste pour le voir se faire tuer.
Pas grave, cela suffit à Tauriel pour en tomber folle amoureuse, renier son roi (dans le film précédent), puis se réconcilier avec lui "au nom de l'amour".

Au passage, comportement complètement incohérent de Thranduil qui nous est d'abord présenté comme un roi limite tyrannique, froid, incapable d'empathie, qui ne tient pas sa parole... mais qui d'un coup, sait reconnaître le "véritable amour" de Tauriel et a droit à une scène bien "pathos" avec Legolas à qui il parle de sa mère, en lui disant qu'elle l'aimait (mais pas lui ?), mais rien de plus, sans même la nommer.

Le pompon est atteint avec le personnage de Legolas qui devient carrément Superman dans ce film, capable de voler au-dessus de pierres qui s'effondrent.
Son personnage prend une importance démesurée, au point que son affrontement final avec Blog est placé sur le même plan que celui entre Thorin et Azog, pourtant autrement plus important et surtout plus émotionnel.
Legolas et Bolg se connaissent à peine, ils se sont battus une seule fois, Legolas a saigné du nez pour la première fois de sa vie... et c'est tout !
Thorin et Azog se connaissent depuis des décennies, ils se sont déjà affrontés au moins deux fois, Azog a tué le grand-père de Thorin sous ses yeux, il a défait son père (et est supposé l'avoir tué), il vient de tuer les deux neveux de Thorin, dont un encore sous ses yeux... De son côté, Thorin a tranché le bras gauche d'Azog. Y a donc un tout petit peu de haine mortelle entre ces deux-là et leur combat final est censé représenter le climax du film.
Sauf que l'image passe d'un combat à l'autre, interrompt l'un pour montrer l'autre, avec des musiques qui n'ont rien à voir... brisant tout l'enjeu du duel Thorin vs Azog.

Que dire enfin des ajouts scénaristiques délirants, opérés par l'équipe de Jackson ?
Au premier rang desquels les vers géants fouisseurs, tout droit sortis de l'univers de "Dune" et qui n'ont jamais été mentionnés dans aucune oeuvre de Tolkien.
Moins important, depuis quand les Orques communiquent par sémaphore ???
Et depuis quand les Nains chevauchent des cochons géants comme chevaux de bataille ??
Depuis quand un Orque (même géant) peut survivre en apnée dans de l'eau glaciale pendant plusieurs minutes, puis passer à travers plusieurs centimètres de banquise gelée en prenant appui sur... de l'eau ?
Du grand n'importe quoi...

Quand on y réfléchit un peu, cet épisode final n'apporte presque aucune résolution aux différentes intrigues esquissées dans les deux premiers épisodes.

En tout premier lieu, le sort de l'Arkenstone, pourtant au centre de la folie de Thorin.
On la voit dans les mains de Bard qui l'utilise pour essayer d'amener Thorin à négocier, et ensuite... pschittt ! Que devient-elle ? On n'en sait rien.
Les pierres de lumière convoitées par Thranduil et pour lesquelles il a amené son armée d'Elfes ? On n'en sait rien.
La part du trésor de Smaug qui doit revenir aux habitants de Laketown, promise par Thorin et pour laquelle les Hommes sont venus se battre contre les Orques ? Idem.
Que devient Beorn, qui apparaît juste pour se faire "dropper" en plein bataille et qu'on ne revoit plus jamais ensuite ?

Et surtout, l'intrigue secondaire de Gandalf à Dol Guldur n'a aucun sens !
On sait qu'il va s'en sortir de toute façon. On apprend qu'il a reconnu le Nécromancien comme étant Sauron en train de recouvrer sa puissance. Mais cela contredit totalement l'histoire et les images de la première trilogie du SdA où on le voit chercher confirmation de l'identité de l'Anneau unique. Dans les livres, ça passe car Gandalf n'a jamais affronté le Nécromancien, le Conseil blanc croyait qu'il s'agissait juste d'un magicien adepte de la magie noire, qui finissait par disparaître. Dans ce film, ça devient insensé et Gandalf passe pour un inconséquent ou un gros débile.

Après, cela reste un film bien mené. Les costumes et les décors sont toujours très bien faits, on y croit vraiment.
C'est hélas à peu près tout ce qu'il y a à sauver d'un film franchement raté et en tout cas, pas du tout à sa place comme adaptation de l'oeuvre de Tolkien...