Le Hobbit, voyage d'un box-office attendu
Peter Jackson caricature son univers, mais on ne s'ennuie pas une seule seconde.
Peter Jackson reproduit en tous points, ce qui, dans Le seigneur des anneaux avait plu et y ajoute un univers où les geek et les enfants se retrouveront sans aucun problème. Et même si Peter Jackson ne veut pas qu'on compare les deux trilogies puisqu'elles ne ciblent pas les mêmes publics, l'univers reste le même et la comparaison s'impose donc.
Les personnages qui ont fait le succès du Seigneur sont de retour : Gandalf le sage, Elrond, Galadriel, l'insupportable Gollum – que tout le monde dans la salle prend d'ailleurs en sympathie, Frodon et bien évidemment Bilbon. Treize nains traversent également le film. Aucun ne meurt (pour l'instant, oui je sais !) durant le périple, qui n'est pourtant pas dénué de risques ! C'est un conte que nous propose Peter Jackson. Une histoire pour enfant avec du danger mais pas de morts. Si le Seigneur n'avait pas existé, les personnages auraient eu beaucoup plus de mal à exister par eux-mêmes. Et c'est bien ça le problème... On n'a de plaisir à les revoir seulement parce qu'ils ont sauvé la Terre du Milieu. Le seul qui s'en sort bien est Martin Freeman, qui a du réinventer le personnage de Bilbon jeune. On découvre que John Watson est finalement un fier guerrier ! Et puisqu'on ne le connaît, dans cette histoire, que par cette interprétation, c'est visuellement le seul qui n'est pas ridicule dans cette quête.
Vient le tour des créatures... Les Gobelins et les Orques sont tout lisses contrairement à ceux de la trilogie précédente où ils écoeuraient par leurs déformations et leur crasse. L'ennemi juré du chef des Nains, l'Orque Pâle, nom digne d'un chef indien, est porté par un « méchant » sans intelligence ni vivacité. Il n'est pas du tout repoussant et on se prend presque d'affection pour son bras/arme qu'il arbore avec classe. Mais on sent qu'il n'a aucune jugeote. Les méchants du Seigneur des Anneaux ne sont pas bêtes ! Que ce soit Saroumane, Lurtz, ou les Nazgûls, ils sont malins. Ici on a une espèce de créature qui donne l'impression de ne pas devoir effrayer les enfants qui verront le film. Il y a un manichéisme dans Le Hobbit qui est complètement insupportable.
Il y a les très beaux paysages de Nouvelle-Zélande, qu'on regarde non sans une certaine nostalgie ; à l'époque, Peter Jackson nous faisait vibrer au son des cors du Rohan au cours de grandes échappées. Mais les échappées ne sont pas là cette fois ci... Les thèmes musicaux sont majoritairement repris au Seigneur pour ce qui concerne les apparitions de l'anneau et l'évocation de la Comté. Les autres thèmes passent plutôt inaperçu puisqu'on ne les siffle pas à la sortie. Et puis il n'y a presque que des batailles pendant 2h44, contre toutes sortes de créatures. Et c'est fatiguant à regarder. Mais jamais on est inquiets. Gandalf va arriver !
On est visuellement dans un jeu vidéo ou un Disney d'images de synthèses. Radagast est tout droit sorti d'Alice au pays des merveilles avec son traineau de lapins. Les Nains ne sont pas tous grimés en Nains. Certains ont simplement été rétrécis en post production mais ont gardé leur apparence faciale humaine. Et dès la première image de Nain ou d'Erebor, on est dans World of Warcraft. Les images sont superficielles, et cassent l'entrée dans le film. C'est tout simplement très difficile à regarder sans regretter l'esthétique de la trilogie précédente. C'est laid et ça fait faux. On reste dans l'optique Disney lorsqu'on se rend compte que jamais rien de grave ne va arriver aux protagonistes. Ils courent des risques, mais il y aura forcément une happy end.
Certes, le livre The Hobbit est davantage pour les plus jeunes. Mais ce que Peter Jackson a voulu faire, et ce n'est pas pour nous plaire, c'est de donner au public plus jeune, exactement ce qu'il attendait du film : de l'action, aucun mort, et un grand magicien qui sauve tout le monde, à chaque fois. C'est désagréable parce que l'allégeance du film n'est pas la même que le Seigneur, et qu'on n'est pas pris au ventre, on n'a pas peur de la fin, ce qui rend le film fade. Les mouvements de caméra sont beaucoup plus voyants et beaucoup plus racoleurs que dans la trilogie précédente. Les travellings se terminent presque tous par un gros plan qui panote ensuite pour nous laisser voir la personne en face de ce même personnage. C'est un mouvement qui se répète et qui devient très gênant au bout de vingt minutes. Ça appauvrit la mise en scène et le montage où se côtoient parfois plusieurs de ces travellings/gros plans.
Ce qu'on aime dans Le Hobbit c'est que c'est du Tolkien. Tout cet univers qu'il a crée, ces personnages, ces magnifiques lieux, sont comme imprimés dans nous. Et Peter Jackson les a quand même joliment recrées dans Le Seigneur des Anneaux. On ne peut pas totalement dénigrer le film Le Hobbit, un voyage inattendu parce qu'à la base c'est un livre pour enfant de Tolkien. Et c'est son premier livre sur cet univers. C'est ce qui donnera à Peter Jackson nos sept euros et quelques de place de cinéma.
On retrouve malgré tout des personnages qu'on aime, dans des paysages qu'on aime, en train de courir sur une musique qu'on aime. C'est bien ça le problème avec The Hobbit, c'est que même si Peter Jackson nous fait subir 2h44 d'images de synthèses, remplies de batailles qui ne laissent aucune place au pessimisme, c'est vraiment très agréable de revenir vers cet univers pour s'y blottir. On se laisse porter par les scènes d'action parce qu'on n'a que ça à faire finalement. On écoute les conseils d'Elrond et les traits sages et spirituels de Gandalf, avec grand plaisir. Et en attendant la suite, on s'y sent en sécurité. De toutes façons on n'a rien à craindre... puisque Gandalf est là.